Révolte au centre de rétention du Mesnil Amelot
il y a 29 min
Rue89
Un début de révolte aurait éclaté dans la nuit de jeudi 29 à vendredi 30 janvier au centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot (77). Des retenus se sont indignés de l'état dans lequel un étranger d'origine algérienne aurait été ramené au centre, après avoir refusé sa reconduite à la frontière prévue jeudi, selon les sans-papiers présents lors des événements et de source associative.
Contacté par téléphone, un retenu raconte que les policiers de l'escorte d'éloignement "l'ont scotché, menotté et ils l'ont étouffé avec une serviette pour qu'il ne fasse pas de bruit dans l'avion. Il voulait parler au pilote, ils ne l'ont pas laissé."
"Rien à signaler" selon la préfecture
Selon les témoins à l'intérieur du centre, l'homme est tombé à terre, évanoui et blessé, lorsqu'il a été ramené au CRA le soir, ce qui a provoqué la colère de certains de ses co-retenus:
"On leur disait (aux gendarmes) qu'ils n'avaient pas le droit, ils nous ont dit d'aller nous faire foutre."
"Quelques personnes ont été frappées, elles se sont réfugiées dans le bâtiment trois, et ont brûlé des affaires dans deux chambres", raconte un homme retenu au centre depuis une quinzaine de jours. Le début d'incendie aurait été vite circonscrit par les gendarmes présents. Le CRA du Mesnil-Amelot a déjà fait l'objet de départs de feu, notamment le 2 août 2008: le ministre de l'Immigration de l'époque, Brice Hortefeux, avait alors engagé des poursuites à l'encontre de SOS Soutien aux sans-papiers, qu'il accusait d'inciter les clandestins à la révolte.
Expulsé sous valium
Rodolphe Nettier, porte-parole de cette association, a tenté de se rendre au CRA mais n'a pas pu voir la personne blessée:
"On a essayé, mais on n'a obtenu aucune information. J'ai d'ailleurs eu beaucoup de mal à entrer, l'avocat de l'association a dû intervenir."
La préfecture de Seine-et-Marne nous a assuré n'avoir été informée d'aucun trouble particulier par le CRA du Mesnil-Amelot.
D'après plusieurs retenus, "l'Algérien" aurait finalement été expulsé dimanche:
"Ils lui ont fait une piqure de valium et on l'a vu partir sur un brancard. Ils nous ont dit qu'ils l'emmenaient à l'hôpital mais nous on y croit pas, ils nous racontent toujours des salades. Même les vols pour nos expulsions ne sont pas toujours affichés."
Selon l'un de ses proches, lui-même retenu, l'homme, qui était venu fêter le réveillon avec des amis en France, jouirait du statut de réfugié en Belgique:
"Un médecin lui a donné trois jours de repos. Le gars (qui devait être expulsé), il a voulu porter plainte quand ils l'ont ramené, il voulait voir le chef de centre. Nous, on nous a dit que le gendarme qui l'avait frappé le plus fort serait sanctionné. Soi-disant"
Après le début d'incendie, selon un retenu contacté samedi par l'association SOS, trois personnes auraient été désignées à l'aide de photos prises par un gendarme:
"Hier, ils ont amené trois gars à la brigade à Chelles à cause du feu aux matelas mais ils ont rien trouvé, ils les ont libérés, ils ont rien fait contre eux."
"Vous n'êtes pas en prison"
"Au centre de rétention, on nous dit qu'on n'est pas en prison. Mais vous ne savez pas comment ça se passe ici. Ils sont où les droits de l'homme? Moi, j'ai bac+3 en droit dans mon pays, on fuit les lois chez nous et on est traités comme des chiens ici", s'indigne un retenu, qui travaillait dans le bâtiment depuis deux ans.
Juridiquement, en effet, les centres de rétention ne sont pas des prisons, n'étant pas placés sous l'autorité de l'administration pénitentiaire mais sous celle de l'administration. Ces lieux d'enfermement pour étranger violant les règles du séjour en France existent depuis longtemps, mais n'ont été légalisés qu'en 1981.
C'est en 1975 à Marseille qu'explosa le scandale des camps officieux d'enfermement pour immigrés, qui y étaient retenus sur simple décision administrative, sans aucun contrôle judiciaire. En principe, toute atteinte à une liberté individuelle doit être soumise à l'accord d'un représentant de l'autorité judiciaire, selon l'article 66 de la Constitution.
En 1975, des militants avaient découvert un discret hangar près de la gare maritime, où étaient retenus des étrangers entrés illégalement sur le territoire, en dehors de toute législation. "Depuis 1964 existe au cur des quartiers nord une prison clandestine, contrôlée entièrement par la police, où sont séquestrés des travailleurs immigrés", pouvait-on lire sur leurs tracts.
Face à la mobilisation, la loi Peyrefite de février 1981, du nom du ministre de la Justice et dite aussi "Sécurité et Liberté", intervint pour légaliser la "rétention" administrative des sans-papiers, en vue de leur expulsion. La gauche, arrivée au pouvoir peu après, ne la remit pas en cause, alors que les socialistes avaient participé à la mobilisation contre le centre d'Arenc. Encore aujourd'hui, de nombreuses voix citoyennes, associatives et politiques s'élèvent pour demander la fermeture de ces lieux d'enfermement.