J'ai une vision très positive du rôle du mentor, et je ne vois guère de raison de s'en libérer. Ce sont nos maîtres qui nous font progresser, et ils ne nous retiennent pas prisonnier ! A l'origine, Mentor est l'homme de confiance d'Ulysse, le roi d'Ithaque. Lorsqu'il part pour la guerre de Troie, sans se douter que son voyage durera vingt ans, Ulysse confie à Mentor son fils Télémaque, pour lui servir de précepteur, de conseiller, de guide dans la vie. "Transmets-lui tout ce que tu sais", est son ordre de mission.
Le mentor, c'est celui qui ouvre les portes. Un aîné, quelqu'un qui bénéficie d'une expérience plus avancé, et qui en fait profiter celui ou celle qu'il a choisi d'aider. En retour, il est valorisé par ce rôle, il trouve son utilité à transmettre tout ce qu'il a appris, et profite de l'énergie de son protégé.
C'est une chance, je crois, d'avoir un mentor. Dans le milieu professionnel, cela peut permettre de gagner du temps, parce que l'on est prévenu des erreurs à éviter, que l'on peut aller plus vite à l'essentiel, être présenté aux bonnes personnes. Combien d'entre nous doivent se débrouiller seul(e)s, sans alliés.
Dans certains univers, on ne peut se passer d'un mentor. C'est le cas en politique, bien sûr. Mais souvent aussi dans les domaines artistiques, dans les sciences, à l'Université. Le mentor peut être un inspirateur, quelqu'un que l'on admire, ou dont on admire l'oeuvre. Il peut incarner une certaine forme d'idéal, qui donne un cap dans le développement, une projection positive et valorisée. Dans certaines traditions, on parle simplement d'un maître, dans le sens noble du mot. C'est une relation d'apprentissage.
Alors, pourquoi faudrait-il s'en libérer ? D'abord, si le mentor n'en est pas un : s'il ne vise que le pouvoir, sans transmettre, sans respect de l'autonomie de son protégé. Ou pire : s'il utilise son ascendant pour son seul bénéfice. Il s'agit alors de prendre ses distances avec une relation déséquilibrée, éventuellement toxique.
Mais quoiqu'il en soit, une relation tissée de connivence intellectuelle, mais aussi d'une certaine dissymétrie, suppose des ajustements. Une loyauté excessive pourrait inhiber le "poulain", le freiner à suivre sa voie, et l'amener à rester étroitement dans l'ombre de son mentor. A un moment ou un autre, il lui faut déployer ses ailes, prendre une certaine distance, développer son propre style. Il y aura peut être de la tension avec celui ou celle qui l'a aidé, mais en principe les choses rentreront dans l'ordre, pourvu qu'elles soient dites. Un père spirituel ne peut qu'être heureux de voir sa fille ou son fils spirituel choisir sa voie et l'assumer. N'est-ce pas, au fond, la preuve du succès de son enseignement?
Et vous, avez-vous connu un mentor, qui vous a aidé à progresser ?
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*On a compris que je n'aborde pas dans cette note le mentoring professionnel, qui est une relation contractuelle. Le mentoring est une modalité courante d'accompagnement des entrepreneurs dans leur démarche de création. Dans ce cas, le mentor joue un rôle de coach, mais aussi d'expert du secteur d'activité, en ouvrant au mentoré son carnet d'adresses, etc.