A las cinco de la tarde…
Jeudi prochain, Nicolas Sarkozy est attendu pour un entretien avec plusieurs journalistes visant à déminer une situation politico-sociale très tendue. Malheureusement, il va falloir beaucoup d’habileté, tant le discours élyséen s’est brouillé sur fond d’erreurs stratégiques difficilement rattrapables.
Nicolas « La Trique »
On a connu Nicolas l’Autocrate.
Connaissez-vous Nicolas Ier de Russie ? La comparaison sur la base de l’article de Wikipedia est peu flatteuse mais relativement savoureuse, toutes (j’ai bien écrit TOUTES) proportions gardées:
« Il s’agit du souverain de l’Empire russe dont l’influence fut sûrement la plus importante et qui donna à ce dernier son apogée sur le plan international. Il est connu pour le régime autocratique qu’il instaura et qui permit en outre un plus grand développement de l’Empire russe (…)
C’est un colosse (sic) très autocratique, surnommé Nicolas la Trique (…) En 1833 le ministre de l’éducation Sergueï Ouvarov précise ce programme autoritaire : « autocratie, orthodoxie et génie national » sont les principes guidant le régime. Les gens doivent montrer leur loyauté à l’autorité illimitée du tsar (…)
Nicolas Ier s’en remet pour gouverner à des comités qui ne font pas partie de l’appareil normal de l’État. Il choisit leurs membres parmi ses plus proches collaborateurs qu’il charge d’enquêter sur des questions particulières ou de proposer des décisions (…) Le tsar se reposait aussi sur la Chancellerie privée de Sa Majesté, relais de son pouvoir personnel. »
En termes de stratégie, notre Nicolas la Trique à nous (pas de lien avec Carla soit-dit en passant) récolte les dividendes négatifs de deux erreurs.
La première fut de vouloir, en autocrate russe, tout diriger et tout centraliser, vassalisant les ministres – publiquement humiliés lorsqu’ils tombent en disgrâce – et contre-arbitrant Matignon, dont c’est pourtant le job.
La seconde a été de reculer sur la réforme de l’Education voulue par Darcos, ce qui a été interprété par les milieux éducatifs comme un encouragement à remettre en cause d’autres réformes, à commencer par celle des universités.
Devenu le super-Héros de la Nation, Petit père des peuples, Nicolas Sarkozy voit monter vers lui les attentes d’un pays tout entier, coincé entre une réalité financière très sombre et un message politique décrédibilisé et brouillé.
Nicolas II, réformateur malheureux ?
S’ouvre désormais le véritable 2ème volet de son règne. On parlerait presque de Nicolas II, tant la comparaison avec le dernier Tsar de Russie est sur ce point parlante…Tsar réformateur, il engagea la Russie dans la modernité, mais n’arriva pas à juguler l’agitation politique de son Empire, avant d’être renversé par l’extrême-gauche.
Le principal problème de Sarkozy est une contradiction inhérente, sur le fond, à son message politique.
Les réformes ont été engagées par Nicolas Sarkozy avec en toile de fond l’idée qu’il fallait libérer l’économie française de ses pesanteurs (notamment la refonte des règles régissant le marché du travail) et alléger l’Etat (revue générale des politiques publiques, non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux). L’aiguillon sarkozyste de la « rupture » présentait le double avantage de pousser le peuple à accélérer la marche tout en contenant un liquide anesthésiant social puissant.
Ce bel édifice est en train de s’effondrer. La « Krrriiise » est venue remettre en cause la logique de la mondialisation ouverte et concurrentielle. Les mots de protectionnisme ou d’intervention keynésienne sont revenus à la mode. L’avenir qui semblait si tracé est désormais dans l’incertitude la plus totale : la Grèce pourrait même quitter la zone euro et la Grande-Bretagne l’intégrer. C’est dire.
A partir du moment où la contrainte extérieure semble vaciller, comment légitimer la poursuite d’une rupture qui est désormais analysée comme un démantèlement des protections solides capables d’ancrer la France dans sa singularité économique ?
L’Elysée s’est même tiré une balle dans le pied en distribuant à tout va des milliards. Tant que François Fillon répétait que les caisses étaient vides, le gouvernement pouvait reprendre la posture Balladurienne de 1993, celle qui nous promettait de la sueur, du sang, et des larmes pour faire face à la récession qui menaçait le pays. Or, comment légimiter des économies budgétaires, alors que l’Etat a faussement donné l’impression de pouvoir impunément s’affranchir de toute prudence en la matière ?
Se voulant président des Etats-Unis et star des médias, Sarkozy s’est fait Tsar de France, tout-puissant monarque d’un Etat en faillite assailli de doléances. Et il découvre que par la magie de son action, il n’y a plus de fusible à faire sauter : reste le disjoncteur…
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