(Lire ICI notre dossier transversal sur le désastre de la stratégie de « guerre contre la terreur » menée par George W. Bush)
Le rapport pointe trois faits majeurs, dramatiques pour la stratégie de l’OTAN dans la région : le contrôle total des zones rurales par les talibans – l’asphyxie programmée de Kaboul – la légitimité recouvrée de ces islamistes moyenâgeux auprès d’une population exsangue.« Confiants dans leur expansion en dehors du Sud rural, les talibans sont aux portes de la capitale et s’infiltrent dans la ville à leur guise. Sur les quatre routes d’accès menant à Kaboul, trois sont compromises par l’activité des talibans », précise le rapport. « Après sept années d’occasions manquées, les talibans constituent de facto le pouvoir en place dans un bon nombre de villes et de villages dans le Sud ». Vers l’ouest, « la route n’est plus sûre tant pour les Afghans que pour les étrangers, dès l’entrée dans la province de Wardak, à trente minutes des limites de Kaboul. La route du sud à travers la province de Logar n’est pas sûre non plus. Vers l’est, en direction de Jalalabad, le district de Saroubi à une heure de route n’est pas sûr non plus », détaille le rapport. « En bloquant les voies d’accès, les talibans asphyxient la capitale et établissent des bases à proximité, à partir desquelles ils peuvent lancer des attaques dans Kaboul. Cette dynamique a créé un environnement favorable au développement des activités criminelles, et les liens entre talibans et organisations criminelles sont tels qu’il est de plus en plus difficile de distinguer les uns des autres ».
Les talibans pakistanais ont opéré depuis plus d’un an la jonction avec leurs frères pachtounes afghans, et ont lancé ce week-end une impressionnante série d’attaques contre les convois de ravitaillement de l’OTAN. Cette nouvelle stratégie de la terreur avait été planifiée dès le mois de juillet par le mollah Omar et le chef taliban pakistanais Hakimullah, qui dirige la zone tribale d’Orakzaï, frontalière avec l’Afghanistan, afin de bloquer l’approvisionnement des troupes en place sur le terrain afghan. Aujourd’hui 8 novembre, 200 hommes armés ont mené un raid spectaculaire contre un dépôt de véhicules de l’OTAN près de Peshawar. Ces talibans pakistanais, extrêmement bien organisés, ont aspergé d’essence plus de 100 véhicules dont 50 camions servant au ravitaillement des troupes étrangères, avant d’y mettre le feu. La veille, une attaque similaire avait déjà détruit plus de 100 véhicules dans un terminal de la même zone. Les camions détruits étaient remplis de matériels et provisions. Il y a une semaine, des talibans avaient également mis le feu à des poids lourds chargés d’équipements pour l’OTAN.
Le Pakistan fait face, depuis plus d’un an, à un double djihad mené sur son propre sol par un couple à la stratégie complémentaire : d’un côté une offensive terroriste d’organisations proches d’Al Qaida, dont le but est de déstabiliser le géant nucléaire, et de l’autre une offensive politique des talibans alliés aux éléments islamistes de la vie politique locale, infiltrés dans les puissants services secrets (ISI), dont le but est de renverser un pouvoir officiellement pro-occidental et allié de Washington. Le président pakistanais Asif Ali Zardari s’est ainsi démarqué du double jeu permanent de son prédécesseur Pervez Musharraf, et s’est engagé dans un processus de collaboration avec les autorités indiennes dans l’enquête sur les attentats de Bombay. Au lendemain de ces attaques, l’Inde avait en effet sommé son voisin de lui livrer une vingtaine de suspects qui figuraient déjà sur une liste remise fin 2001 après l’attaque du Parlement à New Delhi. Islamabad répondait, depuis, attendre que l’Inde démontre que les assaillants étaient venus du Pakistan. C’est désormais chose faite, et Islamabad a donc, conformément à ses déclarations, accédé à la demande indienne.
Dimanche et lundi, les autorités pakistanaises ont ainsi arrêté seize personnes liées au Lashkar-e-Taiba (LeT), dont la responsabilité dans le « 11-Septembre » indien a été confirmée par les enquêteurs. Zaki-ur-Rehman Lakhvi, un commandant des opérations armées du Lashkar-e-Taïba, est désormais sous les verrous, a assuré un haut responsable des services de sécurité pakistanais. Selon les médias indiens, Zaki-ur-Rehman Lakhvi aurait été décrit par le seul assaillant qui a survécu aux attentats de Bombay comme l’un des planificateurs de ces attaques. Quatorze autres arrestations ont ciblé des camps de l’organisation caritative Jamaat-ud-Dawa, vitrine du LeT, dans la banlieue de Muzaffarabad, la capitale de la partie du Cachemire administrée par le Pakistan. Une 16ème personne, membre présumé du LeT, a été arrêtée à Rawalpindi, dans la banlieue d’Islamabad. La fondation Jamaat-ud-Dawa, qui œuvre sur le terrain pour les déshérités au Cachemire, notamment depuis le séisme dévastateur de 2005, est considérée comme l’aile politique du LeT, mouvement officiellement interdit depuis 2001, et est dirigée par le fondateur du mouvement, Hafiz Saeed. Cette organisation caritative figure sur une liste des organisations surveillées par les autorités pakistanaises et elle est considérée par les autorités américaines comme une organisation terroriste.
Pour l’heure, la pondération de l’Inde et la bonne foi coopérative du Pakistan semblent avoir fait échouer le projet des islamistes de Bombay : une nouvelle confrontation ouverte entre les deux Etats nucléaires.
Sources : ICOS| Le Monde | AFP