Piqure de rappel, en cette journée dites "historique" !
Il ne me viendrait pas un instant à l'idée de contester le caractère étonnant, et exaltant, historiquement parlant, de l'accession d'un homme d'origine africaine à la plus haute responsabilité de la démocratie américaine, tout comme il ne me viendrait pas un instant à l'esprit d'oublier que les chrétiens ne font pas acceptions de personnes, comme il ne me viendra jamais à l'esprit de "hurler avec les loups" ! Il y a trop d'esprit "dans le vent", d'esprit de revanche, d'esprit de division, d'esprit de mauvaise conscience, de tolérance au sens négatif dans le mouvement qui entoure l'ascension de M.Obama pour que je puisse m'y joindre un seul instant. Mais surtout il ne faudrait pas confondre cette position que je fais mienne avec celle, idéologique, hasardeuse (comme toujours), revancharde, à la jalousie et à la rancoeur larvée de M. Chomsky et de ses amis pour qui, surement, Obama est trop démocrate, trop libéral, trop chrétien, trop politique, trop humain en somme, et pas assez socialement clivant, pas assez trotsko-staliniste pour faire court !
Mercredi, le cinq du mois de novembre, de l'an de Grâce 2008 :
Malgré les pseudos commentaires de nos spécialistes de la question il n'y a pas de politique la dedans, il n'y en a pas eu encore ! Du spectacle, des réjouissances, ça oui ! De la politique, nul part.
Voyons cela. L'important ce n'est pas pourquoi ou comment M. Obama a été élu, pas plus n'est-ce le pour faire quoi ! L'important c'est que ce soit lui. Loin de nous l'idée de dire que ce pas franchi par le peuple américain soit insignifiant, signifiant il l'est bien qu'il ne devrait pas l'être, bien qu'il le soit, peut-être, pour de mauvaises raisons, bien qu'il fusse, selon nous, inévitable. Mais, il est quasi insignifiant, contrairement à ce qu'on veut nous faire accroire, « chez nous ». Car, enfin, au-delà de l'origine de M. Obama, origine tout aussi respectable que l'est celle de son ex adversaire, qui y a-t-il ? Sur quoi nos hexagonaux spécialistes du commentaire avisé n'insistent-ils pas ? Sur ce fait, fort simple, que M. Obama est bien plus « religieux » que son adversaire, sur l'espèce de « messianisme » afro-américain propagé par certains pasteurs. Il n'est besoin pour s'en convaincre que d'avoir entendu le sermon prononcé hier dans le temps où, naguère, officia Martin Luther King.
Alors quoi ? En Hexagonie, notre Président se prononce pour une « laïcité positive » et c'est la curée contre l'avancée de l'hydre du totalitarisme théocratique mais « la-bas », passer d'un « born again christian » néo-conservateur à un fervent chrétien progressiste entourée de pasteurs messianiques c'est une victoire pour l'humanité. Amusant, tout au plus !
Que voulez-vous, Messieurs 'dames les spécialistes de la politique qui n'existe plus, indécrottables américains, la religion est toujours présente chez eux. Mais, au juste, juste entre nous, comme ça : quelle religion ? Est-ce encore le christianisme ? Le protestantisme américain n'est-il pas ce qui permet, précisément, cette espèce de bouillie politico-religieuse ? Cette morale religieuse franchement sécularisée, déritualisée, tirant vers un mélange de spectacle de variété et de meeting politico-social, n'est-ce pas elle qui permet ce mélange à l'étrange fumet ? Ce mélange que, de ce côté-ci, l'on dénonce avec vigueur lorsqu'il prend un visage trop « réac », et que l'on oubli subtilement lorsque celui qui le sert (dans les deux sens du terme) est présenté (ou, vendu, plutôt) comme un « progressiste » ? Propagande et marketing se tiennent volontiers la main.
Face à cet espoir qui ne pourra qu'être déçu, bafoué, violé, je relis avec joie les admirables lignes de Péguy dans « Le Porche du mystère de la deuxième vertu ». L'espérance, l'espérance est bien plus que l'espoir, un mystère que le monde ne peut tourner en système, en moyen. Elle est un trop mince filet de Grâce, elle est par trop suspendue à l'invisible, à l'indicible ...
Sera-ce avec des vertus chrétiennes que M. Obama tentera de gouverner cet immense territoire ? Nous pourrions l'espérer, mais ce n'est pas là notre espérance. Cela semble par trop mal parti. Et puis, et puis ... « le chrétien ne peut agir, juger, vivre d'après des principes mais d'après la réalité, vécue hic et nunc, de l'eschaton. C'est exactement l'inverse d'un moralisme... et l'espérance est précisément cette présence de l'eschaton dans l'actuel. » (Jacques Ellul) En conséquence un chrétien se doit de « faire intervenir le futur comme puissance explosive dans le présent, [...] de croire les événements futurs plus importants que les événements présents [...]; comprendre; [...] saisir le présent grâce au futur et le dominer par le futur ... » (J. Ellul)
Avec tout le respect dû à la personne de M. Obama (et le personnage public, politique, n'est pas sa vraie personne) cette « victoire historique » n'est qu'un des « faits divers » constituant notre univers courant, « l'environnement », précisément et véritablement cette fois (cf. « L'homme est un saut hors de la nature. », section Essais), de l'homme moderne, l'un des événements du divertissement permanent, faits divers et divertissements sont les moyens fondateurs utilisés par ce monde. Divertir, diversion, détourner l'attention, ce sont des ruses. Il faut constamment faire rater sa cible à l'homme, le plus sûr des moyens n'est-il pas de camoufler la cible elle-même; l'escamoter ! Etymologie classique du grec « péché », rapellons-le : « manquer la cible ». Cette victoire historique ne sera encore qu'une de ces péripéties qui, toujours, détournent les hommes de LA cible, ne l'a-t-on pas assez dit et écrit : élection réussie avec des moyens technologiques et qui offre de nouvelles possibilités (c'est-à-dire : donne des moyens aux moyens).
« ...Les moyens de l'homme (techniques ou autres) sont inefficaces pour réaliser leurs fins particulières parce que l'homme a refusé l'actualité de la fin unique et absolue. » (Jacques Ellul)
Avent 2008.
Durant notre temps de rachat du temps il s'en sera passé des « choses » dans le microcosme politique hexagonal ! En particulier dans l'un de ses quartiers « gauche ». Nous avons assez peu d'intérêt pour la survie ou pas d'un groupement professionnel politique mais, comme toujours, il se révèle bien des éléments intéressants dans le tour que prend le vocabulaire usité, dans les « moyens » dialectiques qui relèvent, et révèlent, de la technique politicienne.
Ainsi donc nous voyons reparaître le spectre des « catholiques de gauche » et, inévitable corollaire, voici nos amilaïciens qui s'en donnent à cœur joie pour vilipender le « messianisme » d' une telle. Et, bien sûr, ce sont les mêmes qui acclamaient la victoire de M. Obama, là-bas, tout là-bas. A ce propos, dans un éditorial de Ouest-France, l'Auteur parlait de « prophétie ». Ici, certains accusent donc de messianisme... Dans les deux cas, on s'emballe, on use les mots, encore et encore, on les tord et retord à plaisir, à dessein. Car, nous avons là prophétisme sans prophète, messianisme sans messie et surtout, surtout, tout cela ce fait sans Dieu, sans le sceau de l'Esprit. Pire, même, que cela. Car, selon notre saint Père dans la foi, Grégoire de Nysse, l'ambition est « principe et fondement de la déchéance, et pour ainsi dire mère des autres vices ». Or, comment ne pas voir l'ambition, à peine déguisée, de tous ces batailleurs, comment ne pas déceler l'attrait, l'amour, même de la « vaine gloire » ? Tout cela est, évidemment, camouflé, malicieusement escamoté derrière cette fausse notion « d'espoir ». Enfin, fausse, non, pas tant que cela. Nous l'avons déjà écrit, l'espoir n'est pas l'espérance car l'espérance elle « ne déçoit pas » (Romains, V-5).
Le 21 Janvier de l'an de Grâce 2009.
Et maintenant ? Et bien, voilà qui est fait ! Bien fait ? Je ne saurais le dire. Mais, la manière ne laisse rien présager de bon. La foule, les foules même, qui se rassemblent pour un moment « historique », les kermesses médiatique, la communication planétarisée, l'élan communiant, le vocabulaire religieux pour décrire un phénomène séculaire ... Tout cela apparaît comme une pure continuité.
Ce qui est également fort troublant c'est cette emphase de tout le monde médiatique sur le caractère historique de l'événement, l'unilatéralisme du mouvement ne semble pas faire sourciller les habituels défenseurs des minorités. Ne faut-il pas un tout petit peu plus de recul, ne faut-il plus le travail des ans pour décréter ce qui est historique ? Est-ce la tâche des journalistes, des commentateurs de l'immédiat de définir ce qui revêt un caractère historique ?
Pour certains voici réalisée la prophétie du rêve du pasteur Martin Luther King. Ce serait une grande chose, sans aucun doute. Encore qu'une prophétie, quelle qu'elle soit, dépend encore de ce que nous en attendons. Voilà, sans craindre de nous répéter, il s'agit bien de savoir pour quelle fin nous attendions la réalisation de la prophétie. Si nous ne visons pas au-delà de l'histoire, si nous ne visons pas l'explosion de l'eschaton au coeur de notre histoire alors il faudra s'attendre à voir les espoirs déçu, l'enthousiasme tourner en rancoeur. Si la visée est politique, si c'est encore l'unification indifférenciée de l'humanité en vue d'un bonheur paradisiaque sur cette terre alors c'est ce qui adviendra et au jour du réveil cela sera terrible, encore une fois ! J'aurais aimé que les prophéties autour du Ras Tafari ne soient pas poussières d'illusions humaines trop humaines ! Mais, qu'avons-nous vu ?
J'aimerais ne pas recevoir en moi ses idées pessimistes (du point de vue du monde), j'aimerais être certain que nous vivons une avancée vers le Royaume. Mais, d'une part la certitude et le consensus me semble souvent contenir la part du diable et, d'autre part, je ne vois guère de signe de cette avancée, même parmi les sectateurs les plus assurés du nouveau président américain. On parle beaucoup de religion, il s'agit plutôt de religiosité, on parle beaucoup de M. Luther King mais où sont donc les commentateurs zavisés qui oseraient dire que sans le christianisme, sans la culture chrétienne, le « jour historique » n'aurait sans doute pas vu la lumière du jour ?
Nous n'en sommes plus à l'heure des moyens « affreux et criminels » mais nous en sommes toujours à ce vieux rêve d'une « idylle doucereuse et médiocre du bien-être sur terre », d'un « paradis naturel dans des pavillons avec jardinets » ainsi que l'annonçait il y a bientôt un siècle Berdiaev. Le philosophe religieux prophétisait également : « Une telle liberté creuse dégénèrera aussitôt en servitude. Vous deviendrez les esclaves de vous-mêmes et de vos semblables et de toute la nature non transfigurée et non illuminée. »
Je ne sais pas si le rêve de Pasteur King est en passe de se réaliser. Je sais que la réalisation du cauchemar de Berdiaev est déjà une réalité !
Le rêve de l'un aura-t-il la force de retourner le cauchemar de l'autre ?