L'éditorial de Monsieur Serguei Alibi, dans le numéro de janvier du Monde Diplomatique, porte sur les activités grassement rémunérées des anciens hauts dirigeants politiques.
Selon l'éditorialiste, l'attitude de nos dirigeants face à l'appât du gain, les possibilités qui leur sont offertes, démontreraient, derrière les déclarations de façade exigées par la crise, leurs implications profondes avec le système capitaliste libéral et la nécessité, pour eux, de le faire perdurer quitte à contourner le sens des mots et à ne plus distinguer entre les domaines du public et du privé en fonction de leurs intérêts. Il y aurait donc une malversation philosophique et politique grave et dangereuse pour nos démocraties.
Faut-il donc être grand clerc pour débusquer cela ? Non, de l'aveu même de l'intéressé, mais, toujours selon l'éditorialiste, au moins « avant » on avait la pudeur de ne pas afficher ses ambitions pécuniaires de façon aussi ostensible ! Ainsi donc, l'hypocrisie vaut mieux, sommes toute il s'agit là, alors, d'un problème moral ?
Il doit exister un façon morale de faire de l'argent, car nous sommes bien dans le domaine du faire. Voilà belle lurette que notre conception de l'argent répugne à tout fondement ontologique. Nul besoin d'être grand clerc, là non plus, pour comprendre que libéraux et socialistes vivent et pensent dans et pour la quantité jamais pour la qualité.
Pour le « diplo », donc, il doit bien exister une recette qui soit morale pour faire de l'argent, c'est-à-dire une recette socialiste, en somme.
J'observe encore le pouvoir diachronique des livres. En 1918, Berdiaev écrivait des socialistes de son temps que ces derniers avaient fait de la consommation le nec plus ultra de leur pensée politique . En 2009 les socialistes français (qui ne sont sûrement pas assez socialistes au yeux du « diplo » qui leur préfèrera Evo Moralès ou Hugo Chavez !), nos socialistes hexagonaux donc, nous proposent, pour sortir de la crise, une « relance de la consommation ». Mais, consommer quoi ? Ne sommes-nous pas sevrés ? Pourquoi user les mots pour des diatribes, soliloques ou monologues aussi vains ? Du côté droit, comme du côté gauche (tout dépend du côté duquel on porte sa bourse) on boite, on claudique. On fait de l'économie sans jamais être économe, il faut consommer pour produire, produire pour consommer, dépenser pour gagner, gagner pour dépenser, cercle vicieux dont le centre est un abysse ontologique. Alors, pour donner le change on parle dignité, on dit droit, on dit morale, on tente de se trouver quelques béquilles ontologiques, mais il faut qu'elles soient pliables, escamotables rapidement, au cas où le vent tournerait plus vite que prévu puisque malgré nos légions expertes, nous ne maitrisons rien, malgré nos super calculateurs nous ne calculons que le résultat déjà produit, puisqu'en fait nous ne « menons pas la crise, c'est la crise qui nous mène ». Cette crise qui n'est profonde que pour les bourses, pleines ou vides, mais qui n'entame en rien la philosophie qui tient le monde, l'amour de l'argent, cet ardent et pressant besoin d''en faire ou d'en gagner.
J'ai toujours eu en détestation cette locution si courante et qui paraît, au quotidien, irremplaçable : « gagner sa vie » ! Insensé ! La vie est un don, gratuit, libre. Ce face à face vie/argent me conduit à penser à cette conséquence probable de la crise actuelle : « l'avortement économique ». Celui-ci existe déjà bel et bien. Je connais un prêtre roumain qui a organisé tout un village-orphelinat pour accueillir les enfants, sauvés de ce massacre économique des innocents, seuls ou avec leurs mères.
Mais voilà qui n'émouvra guère au « diplo » puisque c'est là que l'on s'inquiétait du fait que, nonobstant la positivité de l'élection de Barak Obama ce dernier pourrait ne pas remettre en cause le statu quo républicain sur la question de l'avortement. Soyez donc rassurez Messieurs, voilà qui est fait, en deux jours seulement.
Cela semble un lieu commun, et tant pis, mais de quelque bord que l'on se tourne on croit sauver l'économie par l'économie. On se drape de vertu, on se penche, un peu, du côté d'une morale pas trop contraignante ou encore invoque-t-on la nécessaire dignité humaine comme on invoquerait une mystérieuse divinité. Il est comme impossible de faire autrement. Malheureusement, lorsque l'on évoque trop vivement l'idée d'un partage « équitable » on ne possède pas assez de digue pour empêcher que soit, immédiatement, convoqué l'esprit de jalousie, de revanche, de vengeance. Malheureusement, l'inquiétante divinité ne manquera pas de répondre à ces incessants appels. Un autre lieu commun ? La religion de l'argent ? L'idolâtrie ? Mammon ? Le culte de la quantité ? Peut être, mais alors c'est un lieu commun avec quelques bases solides ? « Vous ne pouvez servir deux maîtres à la fois. », cela signifie quelque chose ou pas ? « Il faut rendre à César ce qui est à César », sentence rendue en regardant une pièce de monnaie. Cela signifie quelque chose ou pas ? La parabole des riches et du chameau ? Signifiant ? Et les trente deniers ?
Alors ? Utopie ? Rêve, menaçant, d'une fraternité économique ? Méga fêtes des voisins équitables planétaire ?
Même équitablement partagé, l'argent reste l'argent Messieurs, et l'homme reste l'homme « sous la loi du péché ». Votre grand rêve d'équilibre et de partage ne peut se vivre qu'en supprimant la liberté de l'homme. Cette intolérable liberté que Dieu, que vous niez librement, vous a accordé, elle laisse aussi le champs libre à l'égoïsme, à la méchanceté, à l'individualisme forcené ... et elle est, et reste encore, heureusement, une épine dans votre rêverie, un coin enfoncé dans votre utopie. Vous ne pourrez la forcer, pendant un temps peut-être, une fois encore, sous le fallacieux prétexte du bonheur matériel du monde, une fois encore, vous pourrez cacher sa lumière sous le boisseau hypocrite de la philanthropie mais elle reviendra encore et encore ... car seul son retournement libre et amoureux vers sa lumière-source, la Trinité, peut tirer l'homme au-dessus des conditions de son existence pécheresse. Ceci ne s'achète pas, que se soit équitablement ou capitalistiquement !
Dieu est servi, l'argent quoique vous fassiez asservi !