- Bonjour, c’est Jean-Pierre Foucault ! Nous jouons ce soir à « Qui veut gagner des millions de spectateurs »… J’accueille ce soir un sympathique candidat, Monsieur Boustoune… Etes-vous prêt, Monsieur Boustoune ?
- Oui, Jean-Pierre…
- Parfait… Alors voici la première question :
« Allez vous voir en salle De l’autre côté du lit, avec Danny Boon et Sophie Marceau et La guerre des Miss, le dernier Patrice Leconte ? »
- Euh… Je switche tout de suite la question… Avec quinze ou seize films en salle chaque semaine, j’ai trop de choses à voir pour me permettre d’aller voir ce qui ressemble à d’épouvantables nanars… Voilà, ça, c’est dit…
- Bon, alors on switche la question et on se concentre sur Slumdog Millionaire. Ca vous va, ça ?
- Oui, signé par Danny Boyle, le talentueux cinéaste écossais, ça pourrait valoir le déplacement…
- Alors, voici la première question :
« De quoi parle Slumdog Millionaire ? »
a) de la vie d’un groupe de jeunes désoeuvrés dans les bidonvilles de Mumbay…
b) d’un jeune homme pauvre qui devient multi-millionnaire en jouant à « Qui veut gagner des millions »…
c) de la mutation de la société indienne, de son économie et sa culture…
d) d’une histoire d’amour contrariée, étalée sur près de dix ans…
- Ah, Jean-Pierre, il y a un piège dans votre question. Les quatre réponses sont valables ! Il s’agit de l’adaptation d’un roman de Vikas Swarup (*) qui raconte comment Jamal Malik, un jeune garçon de 18 ans, orphelin issu des quartiers pauvres de Mumbay, sans éducation, parvint à battre les records de gains de la version indienne de « Qui veut gagner des millions », simplement en ayant la chance de tomber sur des questions dont il connaissait les réponses, car associées à des moments forts de sa vie, souvenirs douloureux ou heureux.
Au début du film, on le retrouve en fâcheuse posture, interrogé sans ménagement par la police qui le soupçonne d’avoir triché. Il se justifie en racontant sa vie, son enfance dans le bruit et la misère, la mort de sa mère, l’errance, en compagnie de son frère Salim et de Latika, une gamine dont il est tombé amoureux, puis leur séparation… Le film navigue habilement entre les époques, offrant un vaste panorama de la vie en Inde, ses difficultés et ses plaisirs, sans se vautrer dans les clichés et l’imagerie folklorique usuelle. Il aborde les sujets difficiles des tensions intercommunautaires, des enfants mendiants, du crime organisé, des différences de caste,...
- Bravo ! Poursuivons avec la deuxième question :
« Qui sont les meilleurs acteurs de ce film ? »
a) Anil Kapoor, qui joue le présentateur du jeu…
b) Dev Patel, Freida Pinto, Madhur Mittal, qui jouent les trois protagonistes principaux adultes…
c) Tous les jeunes acteurs qui incarnent les trois héros enfants ou adolescents…
d) Irfan Khan et Saurabh Shukla, les policiers...
- Pff, c’est difficile comme question. Oui, c’est difficile de choisir parmi un casting aussi homogène et efficace ceux qui pourraient sortir du lot… Alors je laisse le public seul juge…
- Décision judicieuse… On continue avec la troisième question :
« Vous diriez que la réalisation du film est … ? »
a) brillante
b) sobre
c) inefficace
d) mauvaise
- Alors j’élimine d’office les réponses c) et d). C’est quand même Danny Boyle qui est aux manettes… Alors je vais opter pour le 50/50 : disons que c’est à moitié brillant et à moitié sobre, trop sobre par moments… Si la mise en scène ne retrouve pas totalement l’inspiration qui portait Trainspotting, elle est quand même de haute tenue et bien aidée par la photo de Anthony Dod Mantle (le chef op de Dogville ou Festen, entre autres). Certaines séquences sont absolument virtuoses, comme ces longs plans-séquences dans les ruelles des bidonvilles, d’autres très inventives, comme celle du bain de billets ou ce plan superbe montrant une falaise à gauche, un building à droite et la ville entre les deux, symbole des mutations profondes du pays.
Mais la grande force de Boyle réside dans son art du montage. Le film fonctionne sur les oppositions d’images, les associations, les passages d’une époque à une autre, le tout avec une fluidité remarquable et un sens du tempo appréciable.
Certains trouveront la réalisation un peu trop voyante, tapageuse, mais le talent est là, indéniablement…
- C’est votre dernier mot ?
- Ben, j’espère que non Jean-Pierre… Parce que j’ai encore plein de critiques à faire, alors des mots, j’en ai plein en réserve…
- Excellent candidat ! Bon, on passe à la dernière question ?
«Slumdog Millionaire va-t-il être un succès ? »
a) Probablement pas…
b) Non, pas du tout…
c) Evidemment oui…
d) Probablement, et j’espère que oui…
- Je prends la réponse d), j’appelle un ami et je lui conseille ce film sans aucun remords. Ce n’est pas le meilleur film de Danny Boyle, ni le film de l’année, mais c’est un divertissement populaire intelligent et bien mené, où l’on ne s’ennuie pas une seconde.
Note :
(*) : « Les Fabuleuses aventures d'un Indien malchanceux qui devient milliardaire » de Vikas Swarup – Editions 10/18 – collection « domaine étranger » - 368 p.
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