Le polar et la manière

Publié le 22 janvier 2009 par Boustoune

Hasard des agendas de programmation des salles, deux polars bien noirs sortent simultanément sur nos écrans cette semaine. Deux œuvres certes différentes, mais qui ont en commun de s’ancrer dans le réel et de s’appuyer sur une mise en scène stylisée, qui emprunte beaucoup à des références du genre. La première, The club, est l’œuvre d’un cinéaste britannique débutant. La seconde, Diamant 13, est un thriller bien de chez nous, signé par le vétéran Gilles Béat (1), qui fait ici son grand retour sur grand écran.
  
Commençons par une petite virée dans le nord de l’Angleterre, au début des années 1980…
The club (2) est l’adaptation d’un roman de Geoff Thompson (3), très fortement autobiographique, où le narrateur, Danny, raconte sa courte expérience de videur dans une boîte de nuit, et les événements tragiques qui y sont associés.

Au départ, Danny c’est le prototype du looser : il n’est qu’un modeste employé dans une usine, vit séparé de sa femme et ne voit ses filles que quelques heures par semaine. Et il ne réagit même pas… Tout change le jour où, accompagnant ses filles à la danse, il sympathise avec un groupe de boxeurs s’entraînant dans la salle voisine : Louis, Sparky et Rob. Tous trois travaillent comme videurs dans la boîte de nuit la plus branchée de la ville. Après quelques semaines, ils proposent à Danny de travailler avec eux. Tout irait pour le mieux si un caïd local n’avait pas décidé de faire déferler ses dealers de drogues dans le night-club, avec la complicité de Sparky, facilement corrompu… Danny va être plongé dans un univers de violence, d’intimidations et de débauche. Un univers auquel il n’est pas préparé…

Le récit dégage une certaine authenticité, sans doute car l’auteur du roman s’est beaucoup investi dans le film, collaborant à l’écriture du scénario et formant les acteurs aux techniques martiales. Même justesse au niveau de l’interprétation, grâce à une bande de comédiens méconnus, mais charismatiques et subtils : Colin Salmon, Mel Raido, Shaun Parkes et Scot Williams.

Seule la réalisation du débutant Neil Thompson n’est pas vraiment à la hauteur. Le cinéaste se contente de puiser son inspiration dans le travail d’autres cinéastes britanniques - on pense notamment aux premiers films de Danny Boyle ou de Guy Ritchie. Evidemment, ce n’est pas franchement mauvais, et le style colle assez bien au contenu. Cet air de « déjà vu », le génie en moins, n’aurait pas été préjudiciable si le cinéaste était parvenu à instiller une dose suffisante de tension, d’intensité dramatique, à la narration. Hélas, Neil Thompson semble avoir privilégié l’emballage esthétique du film au détriment de son rythme et de son contenu.

The club est un thriller sympathique mais loin d’être inoubliable, qui vaut surtout le coup d’œil pour les acteurs, tous très bons, et le coup d’oreille pour sa bande-son, essentiellement du Ska de la fin des années 1970 ou du début des années 80…

  

Diamant 13 est également sous influence, celle d’Olivier Marchal. Ce dernier a étroitement collaboré au film de Gilles Béat, en tant qu’acteur tout d’abord, mais aussi en tant que co-scénariste. Cette adaptation d’un roman de Hughes Pagan, « l’étage des morts » (4) était un vieux projet de Béat, datant d’il y a presque quinze ans. Le cinéaste avait écrit un premier jet avec l’auteur du bouquin, mais la noirceur du script, et sa durée trop longue, ont refroidi l’enthousiasme des producteurs… jusqu’à ce que Marchal, auréolé de sa réputation de nouvel homme fort du cinéma de genre français, ne participe à l’aventure. Il a donné de précieux conseils à Béat, notamment celui de condenser l’intrigue, pour réduire l’œuvre à une durée plus commerciale, et il a lui-même aidé à retailler le matériau original.

Son travail se sent à l’écran. On retrouve la patte du cinéaste de 36, quai des orfèvres et MR73, l’ambiance glauque et désespérée dont les meilleurs films noirs se nourrissent. On retrouve aussi la même famille d’acteurs : Marchal joue lui-même le rôle d’un flic aux relations troubles et à l’avenir irrémédiablement compromis. Sa femme Catherine joue une journaliste intrigante. Le rôle principal, suite aux conseils de Marchal, a été confié à Gérard Depardieu, très « sobre », donc très bon en flic alcoolique au bout du rouleau.

 
Seul problème : la concentration de l’intrigue rend la narration un peu confuse, et même si on arrive à comprendre les tenants et les aboutissants de l’histoire, celle-ci est parfois un peu compliquée à suivre. En gros, il est question de corruption et de trafic de drogue impliquant plusieurs notables de la ville et quelques grands pontes de la police. Franck (Marchal), flic des stups atteint d’un cancer incurable, décide de finir ses jours à l’abri du besoin, au soleil, et pour cela, il projette de braquer un important deal de drogue entre un parrain local et un éminent diplomate. Il demande de l’aide à son vieux copain Mat (Depardieu), flic lui aussi. Ce dernier décline l’offre, refusant de se compromettre. Franck réussit son braquage, mais est retrouvé et abattu par un mystérieux individu. Mat se retrouve entraîné malgré lui dans l’affaire, poursuivi par les trafiquants, les hommes du préfet et la police des polices, plus quelques femmes plus ou moins fatales (dont Asia Argento, pas très crédible)...

Diamant 13 est un polar noir de facture très classique, pas mauvais, mais pas génial non plus. (à l’exception de quelques longs réussis, comme Rue barbare, Béat est surtout connu pour avoir signé des nanars ou des épisodes de feuilletons policiers de TF1…).

Il s’agit d’un petit film qui se laisse voir et qui permet à Gérard Depardieu de retrouver un premier rôle fort, à la mesure de son talent. Ce n’est déjà pas si mal…

 

A noter qu’un troisième film noir est à l’affiche : The square. Je ne l’ai pas encore vu, donc pas de critique pour le moment. Espérons que ces « amuse-bouches » nous préparent à de grands polars, de grands thrillers, pour l’année 2009…

Notes :

The club :

Diamant 13 :

(1) Son nom « Béhat » se trouve ici transformé en « Béat », allez savoir pourquoi…

(2) Clubbed en VO, The Club en français, allez savoir pourquoi

(3) « Watch my back » de Geoff Thompson – Ed. Summersdale (en anglais uniquement)