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Quelle connerie, la guerre…

Publié le 01 février 2009 par Boustoune


Les seigneurs de la guerre
était attendu avec impatience par les amateurs de cinéma asiatique. Et pour cause, le film de Peter Chan a battu tous les records d’entrée pour un film chinois – plus de 3 milliards de dollars juste pour l’Asie du Sud-Est ! - et trusté les récompenses dans différentes manifestations cinématographiques.
Quelle connerie, la guerre…
L’œuvre est une longue fresque épique, prenant place au cœur du XIXème siècle, pendant les nombreuses guerres qui ébranlèrent la Chine sous la dynastie des Qing (1). Elle parle du destin de trois hommes courageux, déterminés à sortir leurs compagnons de la misère et à faire revenir la paix dans le pays. L’un, Pang, est un ancien militaire déchu, seul survivant d’un massacre qui a coûté la vie à ses soldats. Il rencontre une bande de brigands, menée par le charismatique Er-Hu, un homme d’honneur hostile aux lois et aux règles établies, et comptant parmi ses rangs WuYang, un jeune idéaliste. Les trois hommes signent un pacte d’alliance et décident de se mettre au service de l’Empire. Grâce au sens tactique de Pang, à la fougue de Wu-Yang et à l’héroïsme de Er-Hu, ils vont montrer qu’une troupe de 800 hommes peut faire vaciller une armée qui compte plus du double de soldats, et, de victoires en victoires, réussir à s’approcher du but recherché, la Paix.
Mais, plus ils approchent de la capitale de la province ennemie, plus ils deviennent gênants pour certains ministres en place. Pire, des dissensions se font jour entre eux au sujet des méthodes à employer, du traitement des prisonniers, de la répartition des richesses pillées, des alliances à contracter… Divisés, les trois compagnons se retrouvent affaiblis…
Quelle connerie, la guerre…
Sur le papier, on voit ce qui a pu séduire dans cette trame shakespearienne, qui oscille entre fresque historique, film de guerre et mélodrame larmoyant. Il y avait matière à un grand film sur l’absurdité des guerres, sur les sacrifices à effectuer pour instaurer paix et démocratie, les dérives du pouvoir. Sans parler des grandes scènes épiques et des drames déchirants qu’autorisait un tel scénario.
A l’écran, tout ceci n’est hélas qu’ébauché. Le sujet de la religion n’est qu’évoqué par un petit pendentif en forme de croix (2), les enjeux économiques et sociaux (3) sont survolé, et encore, par le biais des protagonistes principaux, … On peut raisonnablement se demander pourquoi le film a rencontré un tel succès (4). Le résultat n’est pas franchement mauvais, mais ne présente rien d’exceptionnel, hormis la réunion du trio de stars asiatiques : Jet Li, Andy Lau et Takeshi Kaneshiro.
Quelle connerie, la guerre…
Ils sont tous trois très bons dans leurs rôles de maîtres guerriers, frères d’armes animés par des ambitions et des préceptes moraux très différents. Jet Li délaisse ici les acrobaties martiales pour privilégier un vrai jeu d’acteur, fin et nuancé. Il campe un personnage héroïque qui s’avère peu à peu être aussi froid et calculateur que les politiciens qui, de leur tour d’ivoire, envoient les plus pauvres à la mort. Andy Lau, impeccable comme à son habitude, incarne un personnage qui effectue le cheminement inverse. D’abord brigand sans foi ni loi, il va peu à peu s’humaniser pour incarner un personnage plus positif. Entre les deux, Takeshi Kaneshiro est un peu plus effacé, mais a lui aussi droit à de belles scènes à défendre. Rien à redire sur le jeu des acteurs, donc. Le reste est malheureusement moins enthousiasmant…
Quelle connerie, la guerre…
Le scénario est plombé par une improbable romance, axée autour de la femme de Er-Hu et de sa liaison avec Pang. On ne comprend pas très bien ce que ceci apporte à l’intrigue, hormis, peut-être, une dimension encore plus mélodramatique. Mais encore aurait-il fallu que cette partie soit un peu mieux développée pour qu’elle parvienne à émouvoir réellement… Par ailleurs, le script est trop démonstratif, martelant un peu trop son message sur le sens du devoir et de l’honneur.
Quelle connerie, la guerre…
La mise en scène, elle, manque cruellement d’inspiration. Le cinéaste multiplie les mouvements de caméra approximatifs et les effets inutiles – que de ralentis, misère ! – et peine à donner de la densité à l’ensemble. N’est pas Zhang Yimou qui veut…
Cela dit, il faut reconnaître que les scènes de combats sont impressionnantes et qu’une ou deux séquences sortent du lot – les plans montrant Jet Li ou Andy Lau marchant sur un tas de cadavres encore fumants sont de ceux qui restent gravés dans les mémoires. Ajoutons que Peter Chan a respecté jusqu’au bout ses partis-pris esthétiques. Ici, pas de combats aériens à la Tigre & dragon, pas d’images à la beauté stupéfiante. Du concret, du réalisme, une image gris-sale à la place des éclairages feutrés, de la boue à la place des dorures, du sang et des tripes… On peut évidemment préférer l’épure à ce déluge de violence, mais accordons lui au moins une certaine originalité – courageuse - dans ses choix artistiques…
Au final, Les seigneurs de la guerre est une fresque historique honorable, mais loin du niveau que laissait présumer sa flatteuse réputation. A voir si vous aimez ce genre de films ou si vous êtes un admirateur de l’un des trois acteurs. Sinon, rabattez-vous plutôt sur un bon vieux film des Shaw Brothers (5) ou sur les grands films shakespeariens de Kurosawa …
Note : ÉtoileÉtoileÉtoile
(1) : la révolte des Taiping (1851-1864) est l’un des conflits les plus meurtriers de l’histoire de la Chine et de l’humanité. Ce soulèvement des provinces rurales du sud-est de la Chine contre la dynastie au pouvoir fût causé par des conditions de vie difficiles, la famine et les catastrophes naturelles. On estime que les conflits ont fait plus de 70 millions de victimes…
(2) : le leader des rebelles, Hong Xiuquan, était un illuminé, converti au catholicisme par des missionnaires, qui se prenait pour le frère du Christ…
(3) : Malgré les délires de leur chef, les rebelles des Taiping ont mis en place une société plus moderne, égalitaire et paritaire.
(4) : A tempérer par le fait que la version occidentale est plus courte et résulte d’un montage différent de l’œuvre originale. Quelle drôle d’idée…
(5) : Par exemple, Blood brothers de Cheh Chang, inspiré de la même histoire, et qui a inspiré John Woo pour Une balle dans la tête. On le trouve en DVD sous le titre Frères de sang, chez Wild Side
Quelle connerie, la guerre…

Tags : Les seigneurs de la guerre, Peter Chan, Jet Li, Andy Lau, Takeshi Kaneshiro, révolte des Taiping, amitié, honneur, politique, guerre, complots

 


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