Répondre à ma façon, dis-je. Eh bien, j'ai tout simplement analysé la configuration de quatre indices langagiers dans les paroles de Thomas Sankara en situation naturelle d'interview. Ces indices sont : "moi-je", "nous", "peuple" et "ennemis" (groupe sémantique constitué essentiellement par cinq références : ennemis, réactionnaires, la réaction, adversaires, contre-révolutionnaires). Les textes d'interviews analysés sont consultables sur le plus important site internet dédié à Thomas Sankara (www.thomassankara.net. Au passage, je dis merci et bravo aux animateurs de ce site pour le travail hautement utile d'archivage et de mise à disposition de certains documents couvrant la séquence révolutionnaire burkinabè (1983-1987).
Pour bien mettre en évidence l'évolution dans le temps de la configuration des indices langagiers retenus ici, j'ai réparti l'ensemble des textes d'interviews disponibles sur le site www.thomassankara.net en trois sous-corpus : "corpus 1983-1984", "corpus 1985" et "corpus 1986-1987". Les deux graphiques ci-après nous permettront de visualiser les résultats de l'analyse sous deux angles : l'angle de l'évolution des poids relatifs des quatre indices langagiers et celui complémentaire de l'évolution de leurs taux de variation.
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300 Visiteurs Gratuits par heure ! Quelques commentaires1. Thomas Sankara, dans son énonciation, utilise préférentiellement le pronom "NOUS" par rapport au "moi-je" (Voir graphique 1). Il est intéressant d'analyser ce fait de langue et de langage. Cet usage massif et constant (voir graphique 2) du "nous" dans les actes de parole sankaristes signifie, à mon avis, que le "nous" est chez Sankara un élément central d'une stratégie discursive spécifique visant à associer le destinataire à l'origine énonciative, à présupposer un collectif nourri de sentiment d'appartenance à une communauté révolutionnaire. Dire "nous.. " c'est mettre en scène un système d'inclusion dont l'objectif est de susciter un phénomène d'identification collective, voire d'unification. Un acte de parole articulé au "nous" affirme une parole qui se veut commune et une communauté d'accord. En référant ses actes de parole authentiques au pronom "nous", Thomas Sankara semble donc proposer une identité autant qu'une conduite : inclure et viser l'unification autour des idéaux du Conseil National de la Révolution burkinabè.
2. Dans la période 1983-1984 notamment (voir Graphiques 1 et 2), on voit que le travail d'unification, de totalisation politique inscrite dans la parole sankariste passe par la mobilisation conjointe de deux thématiques en particulier : celle du rassemblement révolutionnaire pour le "PEUPLE" burkinabè et celle de l'exclusion du tiers - l'ENNEMI réel ou supposé - qu'il s'agit de combattre. Deux figures opposées et complémentaires donc : une figure attractive (le peuple), parée de toutes les vertus et qui mérite toute l'attention des révolutionnaires et une figure répulsive (l'ennemi du peuple bien entendu) à "abattre". Cette opération stratégique visiblement manichéenne de position et d'opposition permet en fait de délimiter ce que l'on pourrait appeler le territoire de l'organisation révolutionnaire, de le structurer et de l'orienter. JE me souviens qu'à l'époque, dans la ferveur révolutionnaire, l'ennemi présenté de manière plus ou moins abstraite et implacable était un personnage central qu'il convenait de contrer par tous les moyens, un personnage méthodiquement introduit dans l'imaginaire de la jeunesse burkinabè en particulier.
3. Le tryptique "NOUS- le PEUPLE-Les ENNEMIS" (en réalité une opposition "NOUS avec le PEUPLE" face aux "ENNEMIS") qui était en vigueur dans la stratégie discursive sankariste de la période 1983-1984 perd beaucoup de sa force structurante dans la stratégie discursive sankariste de la période 1986-1987. La tension "peuple" versus "ennemis" a significativement baissé (voir Graphique 2 : évolution des taux de variation). C'est une inflexion importante. Tout se passe comme si, à ce moment là, il n'y a plus d'extérieur structurant. Le "NOUS" dont l'usage est pourtant resté d'une insistance constante dans l'énonciation sankariste (voir Graphique 2) et dont l'utisation est fondamentalement polémique se retrouve à l'étroit, refermé sur lui-même et finit par manquer de respiration. La suite est connue. Ce "Nous" implosera tragiquement le 15 octobre 1987 avec la mort de Thomas Sankara. Il implose parce que la volonté sankariste d'unification des acteurs internes de la révolution burkinabè va se heurter à l'apparition d'autres "nous" au sein même su Conseil National de la Révolution, révélant d'autres groupes constitués sur la base d'autres valeurs. Enfin, le désir de "Nous" se retrouvera confronté avec une montée en puissance du "Moi-Je" (y compris la montée du "Moi-Je" de Thom Sank lui-même : voir Graphique 2 - période 1986-1987) qui s'affirme ça et là, un "Moi-Je" irréductible et infidèle qui refuse toute appartenance imposée. La problématique du "Je" dont Norbert Elias dans La société des individus (1994) montre l'émergence historique récente et forte, reprend en quelque sorte tous ses droits dans cet espace socio-politique burkinabè où elle était finalement peu affirmée. Dès lors, le "Nous" sankariste, à l'instar de celui de Robespierre dans la Révolution française, devenait un territoire impossible. Thomas Sankara a sans doute été le premier à s'en apercevoir : il aurait proposer la RECTIFICATION de la Révolution pour aller vers plus de démocratie avant même que son compagnon d'armes, son ami, son "N°2" et finalement son tombeur Blaise Compaoré n'en fasse son cheval de bataille. Dans un de ses derniers grands discours à Bobo-Dioulasso (août 1987) il disait précisément ceci : "Dans le proche passé, nous avons parfois commis des erreurs. Cela ne devra plus se produire sur la terre sacrée du Burkina Faso. Il doit y avoir de la place dans le coeur de chacun de nous pour ceux qui ne sont pas encore parfaitement en harmonie avec le Discours d'orientation politique et les objectifs de notre plan quiquenal. Ce sera à nous d'aller à eux et de les gagner à la cause révolutionnaire du peuple... Nous devons préférer un pas ensemble avec le peuple plutôt que de faire dix pas sans le peuple." (In Thomas Sankara. Oser inventer l'avenir, p. 264, Ed Pathfinder et l'Harmattan 1991).
Pour finir, je vous laisse méditer ces deux citations :
1. "Ca me dépasse, mais c'est tout de même par moi que ça passe" (F. Flahault, La parole intermédiaire, Paris, Minuit, 1978 : 161). 2. "C'est quand je deviens Rien et parce que je suis capable de devenir Rien, de m'annuler, de m'oublier, de me dévouer, que je deviens Tout." (P. Bourdieu, Choses dites, Paris, Minuit, 1987).
Tout acte de communication fait implicitement présomption de sa propre pertinence :
« Demandant l’attention d’autrui, tout communicateur donne à entendre que son message est pertinent. La tâche du destinataire est alors de construire une interprétation du message propre à confirmer cette présomption de pertinence. » (Sperber et Wilson. Relevance : Communication and Cognition 1986)
Chers amis internautes, à vos claviers donc ! Vos commentaires sont les bienvenus sur la thématique de la présence africaine sur Internet!
Cet article est libre de droit. Mais je compte sur votre bienveillance pour citer mon blog (pointer vers moi) en cas de reprise totale ou partielle de son contenu. Merci beaucoup !
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