Niveau connaissances basiques, la France n'a pas de quoi chanter cocorico.
Zéro en dictée pour deux lycéens sur trois. En vingt ans, sur une même dictée, le pourcentage d'élèves faisant plus de 15 erreurs est passé de plus de 26% à 46%. C'est le bilan d'une expérience menée sur des élèves de seconde au moment où sort une note du Ministère de l'éducation montrant que les écoliers font en moyenne 4 fautes de plus par dictée qu'il y a 20 ans. La lecture et les mathématiques souffrent également d'une baisse de niveau. Dans cette note, la direction de l'évaluation et de la prospective (DEEP) compare sur vingt ans (1987 - 2007) l'évolution des compétences des élèves de fin de primaire, via l'enquête "lire écrire compter". Au programme, 40 items de lecture et 33 items de calcul. Alors qu'une enquête intermédiaire, publiée en 1998, avait montré une grande stabilité en 10 ans, la situation s'est nettement dégradée en lecture, notamment pour les élèves les plus faibles. "Ainsi deux fois plus d'élèves se situent en 2007 au niveau de compétence des 10% d'élèves les plus faibles en 1987", note la DEEP.
Même constat pour l'orthographe, sur la même dictée d'une dizaine de lignes (voir ci dessous), le nombre d'erreurs a augmenté en moyenne de 10,7 en 1987 à 14,7 en 2007. Le pourcentage d'élèves faisant plus de 15 erreurs est passé de 26 % il y a 20 ans à 46 % aujourd'hui. Ce sont principalement les erreurs grammaticales qui ont augmenté. Quelques exemples parmi d'autres : 87% des élèves savaient à l'époque conjuguer le verbe tomber, ils ne sont plus que 63% aujourd"hui (ce verbe ne posant aucune difficulté particulière). Quant à la conjugaison du verbe voir, le taux de réussite passe de 61 % à 44%.
Pour enfoncer le clou sur cette baisse de niveau, l'association Sauvez les lettres a réalisé à la rentrée une dictée pour les élèves de seconde. Cette association de professeurs de lettres milite pour un retour à un enseignement plus traditionnel de la grammaire et de l'orthographe. Les enseignants ont soumis à un échantillon représentatif de 1 348 élèves de seconde une dictée d'une vingtaine de lignes. Bilan : 2/3 des élèves ont un zéro pointé , et à peine 14% s'en tirent avec la moyenne. Le barème était de 2 pts pour une faute de grammaire et 1pt pour une faute sur un mot. Jean-Louis Nembrini, directeur de l'enseignement scolaire, rappelle : "en deçà d'un niveau de respect de la langue française, il n'y a même plus de compréhension possible".
Voici la dictée en question :
L'atelier 76.
Gilles ouvrit le battant d'une lourde porte et me laissa le passage. Je m'arrêtai et le regardai. Il dit quelque chose, mais je ne pouvais plus l'entendre, j'étais dans l'atelier 76. Les machines, les marteaux, les outils, les moteurs de la chaîne, les scies mêlaient leurs bruits infernaux et ce vacarme insupportable, fait de grondements, de sifflements, de sons aigus, déchirants pour l'oreille, me sembla tellement inhumain que je crus qu'il s'agissait d'un accident, que ces bruits ne s'accordant pas ensemble, certains allaient cesser. Gilles vit mon étonnement.
- C'est le bruit, cria-t-il dans mon oreille.
Il n'en paraissait pas gêné. L'atelier 76 était immense. Nous avançâmes, enjambant des chariots et des caisses, et quand nous arrivâmes devant les rangées des machines où travaillaient un grand nombre d'hommes, un hurlement s'éleva, se prolongea, repris, me sembla-t-il, par tous les ouvriers de l'atelier. Gilles sourit et se pencha vers moi.
- N'ayez pas peur. C'est pour vous. Chaque fois qu'une femme rentre ici, c'est comme ça.
Je baissai la tête et marchai, accompagnée par cette espèce de «Ah !» rugissant qui s'élevait maintenant de partout. A ma droite, un serpent de voitures avançait lentement, mais je n'osais regarder.»
(Claire Etcherelli, Elise ou la vraie vie).
Sauf à considérer une méconnaissance des règles les plus basiques de la conjugaison du passé simple et de l'imparfait, il n'y a aucune raison d'avoir en dessous de la moyenne à une telle dictée, qui ne présente aucun piège !
Et je crois qu'il faut arrêter, pour se justifier les uns les autres, de se lancer dans des gue-guerres politiciennes ; cette baisse de niveau correspond aussi à la période où de plus en plus les ordinateurs et autres écrans sont rentrés dans le quotidien des enfants, à la maison ; aux parents aussi d'apprendre à leur progéniture à ouvrir un Besherelle ou un Bled avant de leur apprendre à manier une souris d'ordinateur, de les entraîner à manier le stylo sur la feuille avant de leur apprendre à pianoter sur un clavier, à leur donner envie de lire des bouquins en leur proposant des livres plutôt que de les planter devant des jeux vidéos. Ils auront tout le loisir de profiter des dernières technologies plus tard, quand ils auront d'abord appris à lire, à écrire, et à compter. Le B.A-BA, quoi.
Il y a quelques semaines, les équipes d'Envoyé Spécial sont allées enquêter sur la manière dont recrutaient les organismes de soutien scolaire du genre Acadomia ou Complétude. Les journalistes ont pu filmer un entretien, et l'on voit une étudiante (théoriquement il faut bac+3 pour postuler) incapable d'expliquer la différence entre un COD, un COI et un CC de lieu ou de temps, et pour cause : elle les confond tous elle-même. Cette jeune femme a été quand même embauchée par l'organisme pour enseigner le français à des gamins du primaire. Je plains les gosses qui vont tomber sur elle, personnellement.
Quant à nos universités, le classement par disciplines de Shangaï relègue les établissements français à une place médiocre.
Scruté à la loupe par les universitaires du monde entier, le cru 2008 du fameux classement des facs de l'université Jiao Tong de Shangaï vient de sortir par grandes disciplines (médecine, mathématiques, informatique, sciences sociales et sciences de la Terre). Une fois de plus, les universités françaises font pâle figure, les grandes écoles, à l'exception de l'École normale supérieure, n'étant pas prises en compte. À tel point que dans la catégorie sciences sociales, aucun établissement français ne figure dans le Top 100. En sciences médicales, seule Paris-V-Descartes tire son épingle du jeu, classée ex aequo avec une trentaine d'autres entre la 76e et la 107e place. Tout comme en sciences de la vie, où Paris-VI figure au même rang.
Les moins malmenées sont celles spécialisées en mathématiques et sciences de la Terre, qui englobent notamment la physique. L'université Paris-XI-Orsay arrive ainsi en 25e position, suivie de près par Paris-VI-Pierre et Marie Curie. L'École normale supérieure, Strasbourg-I et Paris-VII figurent également dans le classement. Le palmarès 2008 est aussi médiocre que celui de l'an dernier : on note tout au plus qu'une université française intègre le Top 100 des facs de médecine.
En face, les universités américaines, au premier rang desquelles l'indétrônable Harvard suivie selon les filières par Berkeley, le Massachusetts Institute of Technology, Stanford ou encore Columbia, caracolent en tête. Parmi les universités européennes, seules Oxford et Cambridge réussissent à figurer dans les dix premières dans certaines disciplines, tout comme l'université de Stockholm en médecine. Au total, les universités françaises sont citées neuf fois dans ce classement contre 308 pour les américaines.
Ce classement évalue les universités en fonction de plusieurs critères, dont le nombre d'anciens ou d'enseignants ayant reçu des prix Nobel et des médailles Fields ou encore les travaux de recherche. «C'est un classement sur la performance académique pure», explique Jean-Pierre Finance, président de la Conférence des présidents d'université.
De son côté, Gilbert Bereziat, délégué général de Paris-Universitas, un groupe d'universités parisiennes, regrette que «le classement de Shanghaï ne prenne pas en compte des critères comme l'insertion professionnelle ou la création de start-up ». D'autant que ne sont recensées que les recherches publiées en langue anglaise. Par ailleurs, les chercheurs français ne font pas forcément apparaître de manière claire leur université dans leurs publications et se revendiquent souvent du seul CNRS, même s'ils sont rattachés à une université. «Nous avons écrit plusieurs fois aux chercheurs pour leur rappeler de signer Paris-XI, afin que l'université ait une meilleure visibilité», explique Anita Bersellini, présidente de l'université Paris-XI. Cette dernière s'étonne d'ailleurs que l'université d'Orsay n'ait pas grimpé à la suite du prix Nobel attribué à Albert Fert, pourtant longtemps professeur dans cette université francilienne.
Autre spécificité française, la suprématie des grandes écoles, comme Polytechnique, l'École centrale ou les Mines. Cette fragmentation du système universitaire français est une grande faiblesse pour Gilbert Bereziat qui juge la loi sur l'autonomie des universités «d'une grande timidité, même si c'est un premier pas » . Initié en 2006, le regroupement en pôle de recherche et d'enseignement supérieur, mais aussi les nouveaux moyens donnés aux universités devraient leur donner plus de visibilité. En attendant, chacun préfère concocter, comme l'École des mines ou le Centre allemand pour l'enseignement supérieur, son propre classement.
LES COMMENTAIRES (2)
posté le 19 mai à 15:12
Oui la recherche française est médiocre, tous se joue au niveau des recrutements où les concours ne sont qu'une vaste mascarade pour faire passer le médiocre candidats locaux, En continuant comme ceci, ce n'est pas prés de s'arranger
posté le 14 février à 00:46
Je réagis simplement sur la fin du texte. Je voudrais rappeler que, selon les indicateurs du ministère, la recherche en France est au 5ème ou 6ème rang mondial. C'est donc plutôt honnête, en particulier compte-tenu du faible investissement (18ème rang mondial en investissement dans la recherche en pourcentage du PIB).