La loi de financement de la Sécurité sociale prévoyait fin novembre un déficit d’un peu plus de 10 milliards d’euros pour l’année 2009. Les hypothèses macroéconomiques de l’époque estimaient que le taux de croissance du PIB se situerait entre 0,2 % et 0,5 % pour une progression de la masse salariale globale de 2,7 %.
Or, toutes les prévisions économiques énoncées depuis une quinzaine de jours font état d’un recul possible du PIB annuel 2009 supérieur à 1,5 % (- 1,8 % selon la Commission européenne) pour une masse salariale globale stagnante. Cette faiblesse de la masse salariale globale s’explique par une perspective de forte remontée du chômage et d’importantes destructions d’emplois, en particulier, dans l’industrie (automobile) et le bâtiment. Les services ne seront pas davantage épargnés. Certains analystes et la Commission européenne envisagent une progression du taux de chômage atteignant 10 % de la population active en 2010, sans évoquer les conséquences de la montée du chômage partiel et technique.
Il faut rappeler qu’un point de masse salariale globale représente un peu plus de deux milliards d’euros de recettes pour la sécurité sociale. Ainsi, une moindre progression de la masse salariale de près de trois points au regard des prévisions initiales se traduirait par près de six milliards supplémentaires de déficits du régime général de la Sécurité sociale.
L’ACOSS envisageait officieusement dès décembre 2008, un déficit annuel en 2009 de 15 milliards d’euros pour la Sécurité sociale. Ce déficit s’ajoute à celui du budget de l’Etat et à celui probable des collectivités territoriales. Le gouvernement admet un déficit public annuel 2009 d’environ 86 milliards d’euros au lieu des 79 milliards d’euros arrêtés en décembre 2008. De nombreux observateurs et la Commission européenne considèrent que le seuil des 5 % du PIB sera franchi, ce qui porterait le déficit public annuel à plus de 100 milliards . Ce résultat risque de gonfler substantiellement la charge courante de la dette pour 2010 et 2011.
Pour la Sécurité sociale, nous constatons une progression du volume des déficits de la branche maladie et vieillesse. Cette situation résulte de deux causes majeures :
- un affaissement de la situation économique et sociale, notamment de l’emploi, en dépit d’un nombre toujours record de départs en retraite (760 000 départs par an),
- l’échec désormais avéré des dispositifs Fillon / Bertrand sur les retraites, Douste-Blazy/ Bachelot sur la santé.
Dans le même temps en effet, la paupérisation relative des retraités s’accélère (1 million de retraités sous le seuil de pauvreté). L’inégalité sociale et territoriale d’accès aux soins s’aggrave (15 % de la population renonce à se soigner). Simultanément, l’objectif de retour à l’équilibre en 2007 puis en 2011 n’est plus à l’ordre du jour. Cette dégradation pose aussi le problème de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Les augmentations d’honoraires des médecins n’ont pas été accompagnées d’une véritable politique en la matière.
La droite peut être tentée de pratiquer de nouvelles régressions sociales, sous forme de nouveaux déremboursements en matière de soins, d’une stigmatisation des assurés sociaux, d’une aggravation de la baisse structurelle du niveau des pensions des retraites et de nouvelles velléités d’allongement des durées de cotisations.
A noter que la dette sociale cumulée pourrait atteindre à la fin 2009, près de 120 milliards d’euros. Cette dette ne dépassait pas 20 milliards au printemps 2002. Il est vrai que les comptes sociaux avaient retrouvé les chemins de l’excédent entre 1999 et 2001. Depuis 2002, le déficit moyen de la sécurité sociale atteint chaque année environ 10 milliards.
Aussi, il nous faut tenir un discours à la fois lucide et offensif, au-delà de l’énoncé de perspectives négatives.
Sur ce plan, il convient de rappeler plusieurs constats et pistes :
Les niches sociales représentent en 2008, 41 milliards : un réexamen de leur bien-fondé s’impose. Par ailleurs les niches fiscales représentent 75 milliards d’euros, soit au total près de 115 milliards d’euros. Dans le cadre de niches sociales, la loi TEPA concernant les heures supplémentaires coûte 5,5 milliards d’euros ; elle détruit des emplois au moment où le chômage s’accroît : elle contribue donc à la décélération de la masse salariale globale, pivot des recettes de la sécurité sociale.
Toujours dans le cadre des niches sociales, la Cour des Comptes a révélé par exemple que la non-taxation des stock-options et des parachutes dorés représente un manque à gagner de 3,5 milliards.
Sur un autre plan, les mécanismes de compensation démographique financés par le régime général des salariés au profit des régimes particuliers de retraites (petits commerçants, artisans, professions libérales) s’élèvent à plus de 6 milliards d’euros en année pleine. Un réexamen de ces mécanismes paraît inévitable.
En outre, il convient vraisemblablement de rouvrir le dossier de la progressivité des cotisations sociales au travers notamment de l’éventuelle fusion impôt sur le revenu / CSG.
En effet, les besoins de protection sociale vont croître dans les années à venir, qu’il s’agisse de la santé (11 % du PIB aujourd’hui) ou des retraites (11,5 % du PIB aujourd’hui). Cette évolution résulte à la fois d’un vieillissement de la société attendu dans les 25 prochaines années et d’aspirations sociales légitimes nouvelles.
Enfin, la perspective d’une forte réduction du taux de chômage au regard de la population active s’éloigne, et avec elle celle d’un excédent de l’assurance chômage, pour financer une partie des dépenses vieillesse. Dans ces conditions, les choix de transferts sociaux et fiscaux dans ce domaine interviendront beaucoup plus rapidement que prévu. Le nombre de retraités devrait augmenter de plus de 3 millions dans la prochaine décennie. Il est en effet hors de question de ponctionner le fond de réserve des retraites créé par le gouvernement Jospin en 1999, et abondé de manière chaotique depuis 2002 par les gouvernements de droite, à hauteur de 34 milliards d’euros. Ce fond a été conçu comme un instrument de lissage pour utilisation à partir de l’échéance de 2020, afin de faire face au paroxysme du déséquilibre démographique.
Il y a naturellement derrière ces chiffres et ces perspectives, le risque de remise en cause de droits sociaux, qui serait justifiée par un déficit dont la responsabilité incombe pour partie au contexte économique mais surtout à l’échec des politiques de droite pour apporter des solutions pérennisant et confortant notre sécurité sociale.
La droite est depuis près de 7 ans dans une logique d’échec et de fuite en avant.