Concepts et Méthodes
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Bien que l’enregistrement des mouvements des yeux soit pratiqué depuis une dizaine d’année en ergonomie, son utilisation pour l’évaluation des interfaces web et logiciel demeure récente. L’intérêt réel et le bon usage de cette technique sont encore peu connus et certaines idées reçues persistent. Voici quelques uns des principaux mythes qui subsistent à propos de l’eyetracking.
Mythe 1 : L’eyetracking ça fait mal !
Rassurez-vous, plus maintenant.
Avant (en exagérant un peu) Maintenant
Image du film Orange Mécanique Bébé devant un eyetracker Tobii T60
Les premiers systèmes oculométriques étaient très intrusifs et contraignants : ils étaient portés par le participant dont la tête devait être maintenue fixe. Les premiers eyetrackers distants (sans aucun dispositif porté par le participant) ont vu le jour dans le domaine de la recherche dans les années 70. Ils sont totalement non-intrusifs mais demeurait jusqu’à il y a peu, moins précis que les eyetrackers à tête portée. Aujourd’hui des modèles d’eyetracker comme le Tobii T60 & T120 permettent d’allier le meilleur du confort et de la précision. La technologie est directement intégrée dans un moniteur de 17 pouces faisant office à la fois de capteur et de support au stimulus (site web, logiciel, vidéo, image) et l’utilisateur interagit avec le système de la même manière qu’avec un ordinateur classique (écran, clavier, souris).
Mythe 2 : L’eyetracking c’est un gadget à la mode
A la mode oui, un gadget non.
L’utilisation de l’eyetracking dans le domaine de l’ergonomie web connaît depuis peu une progression spectaculaire. Le fait qu’on ait pu s’en passer jusqu’ici pourrait amener à en conclure qu’il s’agit d’un luxe qui apporte peu de valeur ajoutée par rapport à un test utilisateur classique. Pour se convaincre du contraire il suffit de prendre conscience du fait qu’une grande part de l’activité de l’internaute consiste à parcourir visuellement les pages d’un site pour : rechercher les éléments de navigation, trouver les informations recherchées sur une page, lire du texte et parcourir des scènes visuelles. Dès lors qu’on s’intéresse aux comportements des utilisateurs, pourquoi alors se contenter de capturer ses actions clavier/souris ?
Mythe 3 : L’eyetracking c’est surtout pour tester la publicité
Oui mais pas seulement.
Lorsqu’on considère l’eyetracking dans le domaine du web on pense généralement à la possibilité de mesurer la visibilité et l’impact des éléments incitatifs d’un site, en particulier les bannières publicitaires ou promotionnelles. Il est vrai les tests d’eyetracking sont idéals pour déterminer si un élément est vu ou non. Ils ont ainsi permis de confirmer l’effet de Banner Blindness selon lequel les internautes tendent à ignorer systématiquement les bannières publicitaires (http://www.useit.com/alertbox/banner-blindness.html). Mais l’eyetracking donne également accès à bien d’autres informations sur le comportement des internautes comme les stratégies cognitives de navigation, les patterns de parcours visuel et de lecture de texte, les zones d’incompréhension etc. Les domaines d’application vont donc au-delà des sites e-commerce et l’eyetracking se révèle aussi efficace pour optimiser la performance des sites institutionnels, des applications métier ou des intranets.
Mythe 4 : L’eyetracking ça coûte cher
Ni plus ni moins qu’un test utilisateur classique.
Les tests d’eyetracking ne sont en fait pas plus coûteux que les tests utilisateurs classiques. Les coûts de recrutement et de remuneration des participants sont les mêmes. Ceux de logistique et d’analyse également : les eyetrackers dernière génération sont rapides à installer et à paramétrer et les logiciels de traitement de données qui vont avec permettent d’analyser les résultats de manière efficace. De plus ils sont assez faciles à transporter ce qui en fait de véritables laboratoires d’utilisabilité mobiles.
Mythe 5 : Eyetracking et tests utilisateurs sont deux choses bien différentes
Un test d’eyetracking EST un test utilisateur.
On s’imagine souvent qu’une étude eyetracking se suffit à elle-même et qu’elle est tout à fait différente d’un test utilisateur. Pourtant, les tests d’eyetracking sont de véritables tests utilisateurs. Comme dans un test utilisateur classique, on doit constituer un échantillon de participants représentatifs de la population cible et définir des scénarios de tâches correspondant le plus possible à l’activité réelle de l’utilisateur. De plus pour interpréter correctement les données issues de l’eyetracking, il est indispensable d’avoir recueilli des données complémentaires comme les verbalisations des utilisateurs.
Pour ceux qui désireront avoir une vue complète de l’utilisation de l’eyetracking pour l’ergonomie du web, je conseille de surveiller la sortie du prochain livre de Jakob Nielsen : Eyetracking Web Usability, de Jakob Nielsen et Kara Pernice, A paraître.