Géopolitique et renseignement. Sans langue de bois, le général M. Masson livre dans un entretien soutenu, riche et dense, sa vision de la place actuelle du renseignement militaire. Il présente également les défis auxquels il doit maintenant répondre.
Dans le cadre de ses synergies géopolitiques, le diploweb.com est heureux de vous présenter un entretien publié dans le n° 4 de Sécurité Globale, Paris : Choiseul, été 2008, pp. 9-18.
Sécurité globale : Que représente aujourd’hui le renseignement militaire ? Quels sont ses objectifs et moyens ?
Michel Masson : On devrait plutôt parler de renseignement « d’intérêt militaire ». Pourquoi ? Le renseignement militaire, tout le monde sait ce que c’est. Dans cette acception stricte et traditionnelle, on entend les aspects purement militaires des conflits : les entités armées ou paramilitaires (vous noterez que je ne parle pas uniquement de forces militaires), leurs objectifs stratégiques et leurs capacités opérationnelles, leurs structures, leurs matériels, leurs doctrines, leur niveau d’entraînement et leurs modes d’action. Mais, de longue date, et plus encore sans doute depuis la guerre des Balkans, et en tout état de cause dès la création de la Direction du renseignement militaire (DRM), cette notion s’est révélée insuffisante. On a alors préféré parler de renseignement d’intérêt militaire, en abrégé RIM : ce terme figure déjà dans le décret fondateur de cette maison (16 juin 1992). Car outre ce renseignement militaire, le RIM comprend aussi le « renseignement d’environnement » qui porte sur tous les domaines de l’espace physique de l’engagement des forces et toutes les particularités du milieu humain dans lesquelles elles sont appelées à évoluer. Le RIM couvre ainsi tout autant des thèmes géographiques (pays, zones de crise ou de conflit) que des thèmes transverses (réseaux de proliférations, de soutien à un acteur de conflit, entités stratégiques transnationales…). Vaste programme, car la priorité du RIM et donc de la DRM est l’appui aux opérations : or celles-ci ont profondément évolué depuis la création de la DRM, ce qui constitue un défi permanent pour elle. J’y reviendrai.