Victimes du communisme...

Par Laporteplume

Certains ne vivraient que pour créer des zones d’affrontement !
Il semble bien que le groupe de députés UMP porteur du projet de loi « Journée de commémoration des victimes du communisme » soit de ceux-là. Manipuler officiellement l’Histoire, interdire l’accès à ses pages qui les gênent, ouvrir en grand celles qui servent leurs intérêts (électoraux, entre autres), réécrire les passages qui peuvent souffrir une interprétation mercenaire serait leur principal passe-temps. Après la révision de la présence de la France outre-mer et la relecture de nos activités commerciales d’esclavage, les voici préoccupés de régler son compte au communisme. Mais, au juste, qu’en connaissent-ils ? Ont-ils pris le temps de découvrir la philosophie de Marx, de lire par exemple et de méditer ce passage de son « Manifeste » publié en France en 1848 :
La bourgeoisie a joué dans l’histoire un rôle hautement révolutionnaire.
Là où elle est arrivée au pouvoir, la bourgeoisie a détruit tous les rapports féodaux, patriarcaux, idylliques. Elle a impitoyablement déchiré la variété bariolée des liens féodaux qui unissaient l’homme à ses supérieurs naturels et n’a laissé subsister d’autre lien entre l’homme et l’homme que l’intérêt tout nu, le dur « paiement comptant ». Elle a noyé dans les eaux glacées du calcul égoïste les frissons sacrés de l’exaltation religieuse, de l’enthousiasme chevaleresque, de la mélancolie sentimentale des petits-bourgeois. Elle a dissous la dignité personnelle dans la valeur d’échange et substitué aux innombrables libertés reconnues par lettres patentes et chèrement acquises la seule liberté sans scrupule du commerce. En un mot, elle a substitué à l’exploitation que voilaient les illusions religieuses et politiques l’exploitation ouverte, cynique, directe et toute crue.
La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les activités tenues jusqu’ici comme vénérables et considérée avec une piété mêlée de crainte. Elle a transformé le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, l’homme de science, en salariés à ses gages.*

Quel humaniste vrai ne saurait, par les temps qui courent, faire le même constat ?
Quel humain lucide et respectueux ne serait pas porté, après la lecture de ce texte, à se souvenir de Bhopal, ses huit mille morts en une nuit de 1984 (trente mille à ce jour) victimes de l’intérêt tout nu de la firme Union Carbide Corporation, des deux cent soixante-deux morts dans les puits de Marcinelle en 1956, des trente morts et trois mille blessés de la catastrophe AZF à Toulouse en 2001, de toutes et tous les autres ensevelis, happés, écrasés, déchiquetés, empoisonnés de ce monde du travail soucieux de ses profits plus que de la sécurité de ses ouvriers, des suicidés d’après licenciement, des harcelés et maltraités au quotidien par des petits chefs-grands tortionnaires serviteurs de ce libéralisme tellement vanté de nos jours, et de ce capitalisme dogmatique aux allures de nouvelle religion monothéiste ?
Plutôt que le réveil de la guerre froide, ces élus de notre république ne feraient-ils pas mieux de relire attentivement leurs classiques pour, une fois éclairés, promouvoir les vertus proclamées par la devise inscrite au fronton des palais nationaux comme des mairies de village « Liberté-Égalité-Fraternité » et, si possible, cesser de confondre communisme fondamental et soviétisme criminel !
La conscience de leur responsabilité de porteurs d’écharpe tricolore et de représentants du peuple devrait les inciter à travailler davantage à l’harmonie sociale qu’au conditionnement des masses tel que pratiqué par les régimes qu’ils prétendent dénoncer !
Mais qui manque de hauteur de vue peut finir par prendre son ombre propre pour… son pire ennemi !
Semble-t-il !
*Karl Marx Manifetse du Parti communiste Le Monde de la philosophie-Flammarion p. 230-231image couverture de Au Plaisir d'ENA Gilles Laporte éd. DGP Québec 2001 photo Ch. Voegelé