Je lis : Il est urgent que tous les journalistes redeviennent humains, par tous les moyens à leur disposition. Je le lis ici.
Forcément, cette phrase fait écho en moi.
Parce qu'il y a quelques années, lorsque j'ai pris la décision de quitter la profession et de m'orienter vers d'autres chemins professionnels, j'avais quelque chose de ce goût-là en tête. C'était à l'époque un sentiment diffus, empruntant davantage sur le coup à la frustration qu'à autre chose, mais c'était suffisamment ancré pour relever non de l'impulsion mais de la conviction.
Quelque chose tournait pas rond. Si une pub pour des rillettes n'avait pas été inventée, j'entonnerais assez le nous n'avons pas les mêmes valeurs.
Les lecteurs, pourtant, se faisaient déjà sacrément la malle et les rédactions se trituraient le ciboulot pour enrayer la chute. Mais de ciboulot, il eut mieux valu finalement se remuer le popotin. Plonger dans le cambouis vaut mieux que regarder le moteur d'un oeil distrait. Redevenir humain, oui. Mais d'abord le devenir. Redécouvrir le terrain, aussi. Et d'abord le découvrir. Quels que soient les moyens donnés.
C'est sûr qu'à l'époque déjà, ces moyens manquaient. Pas cruellement mais ils manquaient. Ca ne s'est pas arrangé. Nous allions donc de chefs en chefaillons usés et de formules en formules, d'études en réunions. La remise en cause n'était que de forme, même pas pure, la forme, et elle était factice, évidemment, les pré carrés le disputant à une forme d'intérêt général. Le ô toi ta gueule de circonstance.
Oui, il eut fallu devenir humain, aller vers le citoyen, s'intéresser à lui, je veux dire, s'intéresser vraiment à lui. Au lieu de ça, l'agenda dictait sa loi. Suivre l'info valait mieux que coller à l'actu. Porter un regard était déjà un abus alors porter un regard critique, pensez.
C'était un temps où j'avais fini par me définir ainsi quand on me demandait c'était quoi mon métier : je répondais technicien de surface. J'expliquais ensuite que je travaillais dans un journal. Et qu'on me demandait de produire de la copie.
Pour le jeune plumitif que j'étais, il y avait là une telle impuissance crasse que finalement, c'est la crasse qui a gagné.
Je croyais à un média médiateur, pas donneur de leçons, plutôt éclaireur. Pas prof, non, plutôt facilitateur. Donneur d'envies, aussi. Je croyais au média qui a la chance de voir ce que d'autres ne voient pas toujours et qui témoigne, qui donne accès. Aujourd'hui, le net triomphe. Le commercial n'a pas tout avalé. Sites et blogs s'essaient à ce regard. Y parviennent parfois. C'est bien. J'ai des doutes sur le participatif et le collaboratif, mais ces plates formes ont le mérite d'exister, révélant une créativité plus importante que ne le laisse croire nos réels capitonnés.Ce redevenir humain, je m'en aperçois en écrivant, vaut aujourd'hui pour bien d'autres domaines. C'est ce qui fait le charme de ce que nous vivons actuellement. Avançons ?