Il y a parfois des décisions difficiles à prendre mais incontournables. Je suis face à l’une celle-ci : continuer à avaler des couleuvres et porter ce en quoi je ne crois plus ou me retirer d’un processus que j’estime être de l’ordre de la trahison de mes idées.
C’est donc le second choix que j’ai pris. De ce fait j’ai demandé mon retrait de signature d’Europe Ecologie et je ne participerai pas à la campagne future.
Beaucoup vont me traiter de « crétin » comme ce fut déjà le cas maintes et maintes fois par mail de la part de mes « camarades » verts quand j’émettais des doutes. Mais je préfère être le crétin de ces détracteurs là, que l’idiot utile d’une écologie vendue au capitalisme vert, sur l’autel du réalisme électoral.
J’ai pourtant été enthousiaste lors des journées d’été d’un rassemblement futur des écologistes, mais tout est allé de mal en pis. Déjà, par manque de démocratie. Le Comité de Campagne (COCA) n’a aucune base légitime ni démocratique. C’est un cercle d’autoproclamés qui prend des décisions directes et sans réel recul. Ainsi la moitié des places éligibles se sont elles retrouvées dévolues à des ex associatif ou société civile, sans qu’aucun recul ne soit pris sur l’encrage local ou autre. Une pure désignation, à la façon des tyrannies Grecs, d’un conclave éclairé pensant pour le bon peuple.
Je m’attendais de la part des Verts à plus d’égalité et de démocratie, nous qui nous targuons de faire de la politique autrement. Et il n’en fut rien. Il fut lancé une pseudo consultation des militants entre noël et nouvel an (période propice n’est ce pas ?) où l’on demandais aux militants de classer de 1 à 3 les femmes et homes qu’ils aimeraient voir sur les place éligibles vacantes dans leur « eurorégion ». Cela donnait donc un scénario sorti des urnes (les personnes étant classées). Il ne fut pas présenté lors des instances de décisions ! A la place fut fait un imbroglio savant entre les courants, le COCA et les grandes gueules. Intéressante vision de la démocratie directe prônée chez les Verts quand une décision se prend au troisième échelon, sans compter l’échelon occulte.
Rien que pour cela, je ne peux pas cautionner ce qu’il se passe. Mais le problème est plus profond.
Ainsi voit-on arriver la grande messe d’Europe Ecologie. J’étais présent à Lyon pour entendre Daniel Cohn Bendit nous dire que « le mot décroissance c’est un gros mot » ou « qu’il faut offrir l’asile politique aux gens de droite ». C’était déjà énorme. Mais relisons ce que DCB sort à tout bout de champ dans les médias : ne pas sortir du « tout voiture » mais aller vers la « voiture propre », ne pas rejeter le capitalisme mais le libéralisme (il faudra qu’il m’explique la nuance un jour), etc… Il est dans la droite ligne de ce qu’il écrivait dans son livre sur l’Europe en 1999 avec Henri Gaino, ou en 1998 dans « Une envie de politique ». Pas nouveau, toujours pour le marché unique et l'Europe des capitaux.
Ce qui m’agace le plus c’est que pas mal de Verts semblent découvrir que Cohn Bendit est un libéral, plus proche d’un Bayrou qu’autre chose. Toute sa politique et sa communication tourne d’ailleurs autour de cela. Donc, rien de nouveau !
Mais je note qu’il a été plébiscité en eurorégion parisienne. Cela termine pour moi de voir le tournant idéologique d’une majorité des Verts.
Car ne nous leurrons pas : l’appel qu’Europe Ecologie offre à signer n’est que de la sociale démocratie repeinte en vert. En gros une société des 20/80 : 20 % de d’emplois qualifiés et rémunérés pour 80 % d’emplois « bas de gamme » a flexibilité et faibles rémunérations. En refusant de sortir de l’économie de marché pour entrer dans l’économie avec marché, Europe Ecologie fait la même erreur que tous les partis de gauche « réalistes » ayant sombré dans la social démocratie : celle de préférer voir prospérer le marché plutôt que l’humain.
Vient ensuite le « new green deal » qui est d’une bêtise sans nom. Lisez le texte : on va relancer la croissance mais en la faisant plus verte. C’est, même pour des écologistes mous, d’un illogisme sans borne. On sait aujourd’hui que la crise environnementale repose en premier lieu sur le fait que les richesses sont mal réparties et la finitude de la planète. Et que le fait que le progrès se fasse pour quelques uns au détriment de la masse. Et bien au lieu de vouloir dénoncer cela, on part du principe que l’on pourrait ne rien changer mais offrir à tous le niveau de vie des privilégies, mais en plus vert.
Mes amis, relisez Gorz ! Relisez Ellul ! Relisez Illich ! Et surtout relisez Dumont ! Vous prenez le chemin tant redouté : celui de vouloir vous battre avec les mêmes armes que votre ennemi ! Vous savez que c’est perdu d’avance. Vous ne pouvez pas gagner en utilisant la même logique, basée sur le marché et donc sur la capitalisation / captation. C’est l’idée même de l’accumulation sans fin de richesses qui fait que nous allons dans le mur. C’est l’idée que l’économie ferait l’homme et non l’inverse qui fait que nous avons aujourd’hui plus de 80 % des humains qui souffrent.
Alors je vous le dis : l’appel est un leur fourre tout. Il se dit antiproductiviste ? Super mais il manque quand même deux trois choses : quid du salariat ? Quid de la réflexion sur la place du travail ? Quid du revenu garanti universel, seul capable de réellement tuer le productivisme ?
Je sais, il va m’être répondu « attends le programme ». Sauf que nous sommes à 4 mois de l’échéance et que le programme devrait être connu pour une campagne démarrée si tôt. Et au-delà de ça, le programme nous le connaissons, c’était le deal de départ : c’est celui du PVE (Parti Vert Européen). Oui celui là même que les Verts français font semblant de découvrir et rejettent pour rien (car au final il sera très proche de ce qu’il est aujourd’hui et pour cause : l’Europe se fait à 27 ! Et qu’il est déjà utilisé tel que ailleurs). Le dérive centriste du PVE, allant vers un avec et avec (l’écologie se fait avec la gauche et la droite) n’est plus à prouver. Vous êtes en train de voir disparaître vos idéaux et par réalisme électoral, vous allez les sacrifier. Mais là où je trouve cela le plus injustement drôle, c’est dans l’idée qu’en appelant un homme comme Daniel Cohn Bendit vous sembliez découvrir cela ! Il a été vice président des Verts Européens pendant des années ! Croyez vous vraiment qu’il n’a pas participé ou orienté le « Manifesto » ?
Et il y a cela aussi. Europe Ecologie va offrir une timbale à ceux qui, au travers du Grenelle de l’Environnement ont tué l’écologie politique en France. Yannick Jadot qui à longueur de page expliquait que tout était génial (et qui change aujourd’hui de veste). Sandrine Bellier, qui elle n’avait pas d’autre mot à la bouche que « le radicalisme c’est le mal, ici au moins on avance ». José Bové qui semble plus perdu qu’autre chose, faisant aujourd’hui l’apologie d’un marché européen (pour sauver le Roquefort) qu’il méprisait hier… Et le pompon revient à Jean Paul Besset qui n’a eu de cesse de mépriser pendant des mois l’écologie politique et qui fut le promoteur du pacte Hulot ! Tous vont avoir aujourd’hui un siège chauffé en Europe… soit disant pour sauver l’écologie politique. Sauf que non. Ils vont y faire de l’environnementalisme primaire, oubliant au passage le social, l’humain. Mais ils seront là.
Et ne parlons pas des cumulards ! Je ne prendrais que l’exemple du grand sud est (eurorégion) où vous aurez en numéro 1 Michelle Rivasi et en numéro 2 Etienne Tête. Tous les deux sont déjà « multiélus » et en « multiresponsabilités » ! Mais c’est ça la politique autrement : faire un mille feuilles d’indispensables ! Pauvre de nous qui dérivons là vers les baronnies du PS et de l’UMP...
Et Eva Joly ? Parce que je respect sont combat en tant que juge et femme. Mais elle l’a dit elle-même : elle hésitait entre Bayrou et Cohn Bendit, mais Cohn Bendit lui a offert une place éligible alors elle est venue (avant même toute consultation des militants) ! Ce n’est pas incroyable ça ? Quelle base d’écologie politique a-t-elle ? Quelle est sa « légitimité environnementale » même ?
Voilà pour tout cela je refuse de porter cette campagne. L’écologie politique n’est pas et ne doit pas être de la sociale démocratie repeinte en vert. L’écologie politique n’est pas et ne doit pas être le culte de l’homme providentiel. L’écologie politique n’est pas et ne doit pas être l’apologie d’un système « boboisant », offrant aux riches une vie meilleure et aux pauvres la trime, voir la trique.
J’ai donc retiré ma signature d’Europe Ecologie et m’interroge profondément sur mon maintien chez les Verts.
Cordialement,
Fabien