Il semble que les commentateurs de l'établissement médiatique persistent à répondre à côté de la question pour induire les électeurs indécis - ou qui n'ont pas encore voté - à
voter dimanche en méconnaissance de cause. C'est absolument navrant.
Dans Le Temps de ce jour ( ici et photo
ci-contre) Richard Werly écrit ceci, qui est sidérant : "Si un non sort des urnes le 8 février, les sept accords bilatéraux conclus en 1999 tomberont. Et tout sera à renégocier. Bruxelles n'a pas
prévu d'autre scénario".
En deux phrases, deux mensonges éhontés : il faut le faire ! Il s'agit simplement de faire peur à l'électeur au lieu de s'adresser à sa raison. Il s'agit de l'empêcher de voter librement, en le menaçant d'une épée de Damoclès, qui n'est pourtant pas suspendue au-dessus de sa tête.
J'ai démontré sur ce blog (voir mon article "Non" le 8 février : la clause guillotine ne devra pas
s'appliquer ) que c'était un mensonge d'affirmer que les 7 accords bilatéraux conclus en
1999 tomberaient en cas de non le 8 février. J'ai démontré que le couperet de la clause guillotine, l'article 25 de l'accord, ne s'appliquerait que si le Conseil fédéral le
voulait bien. C'est-à-dire s'il donnait un sens subjectif au non éventuel du 8 février, et se croyait alors autorisé à notifier à l'UE le rejet de la reconduction.
En effet en obligeant l'électeur à ne donner qu'une réponse à deux questions - oui ou non, à la fois à la reconduction de la libre circulation objet de l'accord de 1999 et à son
extension à la Bulgarie et à la Roumanie - le Parlement s'est cru très malin. Il a voulu brouiller les cartes et ... il y a réussi. Cela lui permet aujourd'hui encore de jouer sur les
mots pour tromper l'électeur. Tout ça pour éviter un non à l'extension...
Pourtant si le non l'emporte dimanche, personne, pas plus le Conseil fédéral que quiconque, ne pourra affirmer sans mentir que cela signifie que la libre circulation, objet de
l'accord de 1999, n'a pas été reconduite. Or c'est seulement le rejet de la reconduction qui peut actionner le couperet de la clause guillotine.
"Mentez, mentez toujours, disait Goebbels, il en restera toujours quelque chose". C'est à une telle propagande que nous assistons aujourd'hui, et c'est indigne. Même le
Président de la Confédération, Hans-Rudolf Merz, souvent mieux inspiré, s'est livré à une telle tromperie qui ne lui ressemble guère (voir mon article Vote du 8 février : Hans-Rudolf Merz ment et se meut en
propagandiste ).
Faute d'arguments, pour étayer ce mensonge, les medias, tels que Le Temps, essaient maintenant de s'abriter derrière Bruxelles pour dire qu'il n'y aurait pas d'autre
solution que d'appliquer la clause guillotine. Richard Werly reconnaît que ni le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, ni la Commissaire en charge des
relations extérieures, Benita Ferrero-Waldner [qui figure à droite sur la photo, en compagnie de Micheline Calmy-Rey], n'ont voulu s'exprimer avant le vote. Et pour cause.
Le journaliste s'est donc rabattu sur un fantomatique haut fonctionnaire de la Commission européenne pour asséner d'une autre manière son mensonge. Il prête à ce "hifi", comme l'appellerait
Michel de Poncins, des propos qui relèvent du fantasme et peut-être d'élucubrations d'un plumitif en mal de copie :
Comment pourrait-il y avoir un plan B alors que le peuple suisse souverain aura décidé, en toute conscience, de ne pas renouveler cet accord ? La vérité est contenue
dans les textes [c'est moi qui souligne]: les sept accords bilatéraux entre la Confédération et l'UE conclus en 1999 tomberont, ainsi que la participation suisse aux programmes
Recherche et Media à l'expiration de leur phase actuelle. S'y ajoutera sans doute, pour d'évidentes raisons politiques, la dénonciation rapide des accords Schengen-Dublin. En d'autres
termes, le seul plan B sera de renégocier".
C'est la version helvético-bruxelloise d'Apocalypse Now !
Le "hifi" de service - s'il existe - ne fait qu'ânonner ce que les autorités fédérales lui ont sussuré à l'oreille.
Car si pour l'UE il n'y a pas d'autre plan B que la renégociation, c'est qu'elle se place dans deux hypothèses seulement, que lui ont soufflées les autorités fédérales.
Ou le Conseil fédéral notifierait la cessation de l'accord de 1999 en cas "d'un éventuel refus populaire le 8 février", ou il ne la notifierait pas, mais demanderait à
renégocier, ce qui revient quasiment au même. En réalité l'UE n'envisage dans le cas du non qu'une seule hypothèse, celle d'une
renégociation.
Or il existe un plan B, qui ne peut évidemment pas venir de l'UE. Il faudrait que le Conseil fédéral, ou un quart de parlementaires, demandent la tenue d'une session
extraordinaire pour dissocier deux objets qui ont été indûment liés. Il ne serait pas alors nécessaire de renégocier du tout. En effet la reconduction passerait comme une lettre
à la poste, tandis que l'extension serait plus aléatoire, mais pourrait faire l'objet d'une ... négociation.
Certes ce serait un sacré camouflet pour le Parlement que d'être obligé de se déjuger ainsi, moins d'un an après s'être fourvoyé, mais ce serait tout de même plus malin que de pratiquer la
politique du pire - qui est la pire des politiques - pour en quelque sorte punir le peuple suisse d'avoir mal voté le 8 février.
Francis Richard