- Bonjour Jean-Benoît, que vous arrive-t-il ?
- Demande à mes magasiniers de l'entrepôt de Massy, ce qui leur arrive ! M'ont collé une grève, juste au moment où je dois réceptionner mes importations chinoises, ils sont fous !
- Ou peut-être bien renseignés ?
- Si ils me cherchent, ils vont me trouver. Ils croient qu'avec la crise j'ai du gras ? Ils ont toujours leur job et leur salaire, ils veulent quoi d'autre ?
- Et vous, vous voulez quoi ?
(Résumé des épisodes précédents : la petite Sophie accompagne le patron de Swen Games, Jean-Benoît, qui découvre ce que la crise de 2009 peut lui apprendre. Les aventures de Sophie vous attendent ici)
- Moi, je veux qu'ils me foutent la paix.
- Et vous ressentez quoi, en ce moment ?
- Je suis en colère, une grève, chez moi ! Alors qu'il n'y a pas de patron plus social que moi, si j'étais encore à la fac je voterais Besancenot !
- Vous souhaitez travailler, ou on continue à plaisanter ? C'est l'heure de mon quatre heures...
Jean-Benoît ouvrit la boîte de chocolats qu'il gardait pour ces occasions. Sophie n'était pas chère, un chocolat aux 3 à 5 minutes, selon leur qualité. Et ceux-ci venaient de son meilleur fournisseur.
- Mmm, délicieuses vos truffes ! Revenons à ce que vous considérez comme votre problème.
- J'ai la crise de 29 et ces magasiniers de mes deux sur le haricot, à part ça tout baigne.
- Vous souhaitez travaillez sur quoi ?
- J'ai un dîner, on va prendre mes magasiniers.
- Quel est votre objectif ?
- Je viens de te le dire, qu'ils se taisent et qu'ils retournent à leur taf, je ne leur ai rien demandé, moi.
- Qu'attendez-vous d'eux dans le contexte économique actuel ?
- Euh, c'est délicat. Je n'ai jamais voulu d'un entrepôt, moi. J'en ai hérité quand nous avons racheté Store Stars. Et pour tout te dire, il me semble qu'une étude en cours de la logistique européenne envisage de le fermer.
- Comment participent-ils à cette décision ?
- Si on devait demander leur avis à tous ceux qu'on envisage de dégager, surtout en ce moment !
- Oubliez cette étude, que vous dit votre intime conviction ? Comment ces magasiniers pourraient-ils vous aider en 2009 ?
- Ah, mais ça me gonfle grave tout ce foin pour quelques dizaines de gus ! Moi, les magasiniers, je veux pas en entendre parler ! Rien que de m'en parler, de cet entrepôt, ça me fout en boule ! Qu'ils déchargent mes conteneurs chinois et qu'ils disparaissent !
Sophie choisissait avec soin sa prochaine truffe. Jean-Benoît reprenait ses esprits, encore étonné de sa réaction.
- Bon, on en est où, Sophie ?
- Vous venez de nous donner un échantillon des pulsions qui agitent en ce moment vos magasiniers.
- Euh, tu peux préciser ?
- Chacun a ses pulsions, c'est humain. Vous, et vos gus, comme vous les appelez. Comme vous êtes le patron, ce sont vos pulsions qui donnent le ton. Pas étonnant qu'une grève dure se dessine.
- Peut-être, mais je vais pas me changer. Je fais quoi, de ça ?
- Comment s'appelle le syndicaliste local ?
- Robert, un gars pas mal, un bon pro, pas le genre excité pourtant.
- Va pour Robert. Imaginez Robert rentrant chez lui.
- Jusque là, ça va.
- Il pose son blouson, enfile ses pantoufles, embrasse sa femme.
- Oui, et il lui demande qu'est-ce qu'on mange ce soir.
- En effet, vous ne changez pas. Sa femme, justement, a décidé de procéder à un petit audit. Elle lui demande quel est le rôle de son entrepôt dans la stratégie de Swen Games, comment cela devrait évoluer pour répondre à la crise et qu'est-ce que lui, son homme, compte faire.
- Il répond qu'il n'en a aucune idée, ses patrons non plus, et que d'ailleurs dans cette boîte de m... c'est chacun pour soi, personne ne lui demande son avis. Il ajoute qu'il n'a plus confiance dans ses responsables, et qu'eux-mêmes ne songent qu'à sauver les meubles.
- Bravo, on s'y croirait. Une bonne grève dure, voilà qui va recréer des liens forts entre tous ces professionnels qui ne demandent qu'à mobiliser leurs énergies pour quelqu'un et quelque chose... Ca vous suffit, pour aujourd'hui ?
- Oui, j'ai contribué à créer ce dont je me plains. Comment faire pour redresser la situation ?
- Vous savez, Jean-Benoît, moi, vos histoires de logistique et de sous, je n'y comprends rien. La seule certitude que j'ai, c'est qu'en devenant conscient de ce qui se passe en vous et chez vous, vous trouverez.
- Tu crois que ça peut marcher aussi pour faire face à la crise ?
- Si il est question d'objectifs, de pulsions et le liens de confiance, pourquoi pas ?
- OK Sophie, prends le reste de la boîte, ce soir je ne réponds pas de mes envies de chocolat.
- Un vieux manque affectif ?
- On en parlera une autre fois, si je veux !
- Si vous pouvez, Jean-Benoît, si vous pouvez...