Nous sommes aujourd’hui dimanche. Une journée idéalement dévolue à retrouver un
peu sa famille, profiter d’une pause avant de reprendre le collier le lendemain. Un sas de décompression, où l’on recharge les batteries, où l’on dispose librement d’un moment affranchi de
l’aliénation, où l’on passe du temps avec les enfants, les proches. Idéalement. Hélas, de nombreuses professions font (déjà) entorse au repos dominical : le prix à payer pour garantir un
minimum d’activité vitale. Mais la droite réactionnaire qui nous gouverne, au service toujours des milieux d’affaires, cherche constamment les moyens de soumettre davantage le peuple, pour qu’il
continue sagement de faire tourner un système dont il est exclu des bénéfices. Le salarié doit ainsi être assujetti à l’employeur. C’est Madame Laurence Parisot qui sait mieux que nous, grands
enfants benêts, ce qui est bon pour notre bonheur. Elle connaît notre intérêt : l’entreprise apportera le progrès à l’humanité. Mais en attendant, il faut un peu l’aider. Alors on se serre la ceinture, les sacrifices s’alourdissent, mais c’est pour la bonne cause : la loi du capitalisme
libéral mondialisé, horizon indépassable de l’homme. Ainsi se perpétuent et s’aggravent les inégalités : une richesse obscène pour l’infime minorité des profiteurs du système, la misère et
l’asservissement pour les autres. Tous dans la même galère ? On m’a rapporté la réplique d’un manifestant syndicaliste du 29 janvier : "oui, mais c’est vous qui tenez le fouet et
c’est nous qui ramons !"
Donc la dernière lubie de l’agité de l’Élysée est de rendre le salarié plus
corvéable en étendant le travail du dimanche (comme il oblige à travailler plus longtemps - pour le même prix ! - avant la retraite, comme il augmente la durée annuelle du travail). Le Tartuffe et tous ses minables porte-paroles UMPistes insultent notre
intelligence en prétendant défendre la liberté. Le salarié ne sera pas obligé de travailler le dimanche, il aura la liberté de l’accepter s’il le souhaite. Escroquerie intellectuelle
flagrante à deux égards : de quelle liberté dispose-t-on quand on gagne un salaire de misère, en temps partiel subi, qu’on ne parvient pas à joindre les deux bouts, et quelle est la
latitude, quand on connaît la réalité du monde de l’entreprise et de ses rapports hiérarchiques, de s’opposer aux pressions patronales pour un salarié ?
Un élément de réponse dans l’actualité du 26 janvier dernier : un salarié du supermarché Géant Casino de Salon-de-Provence a été mis à pied trois jours pour avoir refusé de
travailler le dimanche. "L’affaire avait commencé le 27 novembre dernier, raconte LCI. L’employé avait alors écrit à sa
direction pour l’informer qu’il ne serait pas volontaire pour travailler les dimanches ouvrés du mois de décembre. Le 4 décembre, la direction le recevait pour lui indiquer que sa demande
serait respectée "dans la mesure du possible" mais que "dans un souci d’équité" au sein du personnel, il était "possible" qu’il soit amené à travailler et que dans
ce cas il serait informé de ses horaires. Le salarié répondait lors de cet entretien qu’il ne viendrait pas et qu’il s’était arrangé en ce sens avec ses collègues". On sursaute en lisant
le mot "équité" ! Et voilà pour ce qui est du volontariat que l’UMP tente de nous vendre : on a bien noté que vous n’étiez pas volontaire, mais si on a besoin de
vous, vous le serez quand même. Le 14 décembre, comme annoncé, le salarié ne se rend pas à son travail : "Or, selon la direction, il était censé travailler de 14 à 20 heures ;
et toujours selon la direction, il ne s’était pas arrangé avec des collègues. Outre ce problème d’agenda, l’hypermarché reproche aussi à l’employé des problèmes d’étiquetage dans son rayon.
En conséquence, elle l’a mis à pied les 15, 16 et 17 janvier". "C’est non seulement scandaleux mais, à notre sens, totalement illégal, proteste la CFDT, sur ce
coup. Le directeur a voulu faire un exemple pour le volontariat à venir". Voilà la boîte de Pandore que se propose d’ouvrir le gouvernement avec son élargissement du travail
dominical.
"Le texte est centré sur les endroits où on a pris l’habitude d’ouvrir le dimanche. Nous voulons donner des garanties aux employés, faire en sorte que ceux qui bossent le
dimanche puissent continuer", tente de justifier dans Le Point le nouveau secrétaire général de l’UMP, le matois Xavier Bertrand, qui ne veut "pas attendre au-delà" de mars.
Traduisons : s’il faut légiférer pour permettre aux salariés de continuer à travailler le dimanche, c’est qu’ils le font aujourd’hui de façon illégale. Bertrand défend ainsi les
employeurs qui violent la loi en s’étant crus autorisés à prendre "l’habitude d’ouvrir le dimanche". Enfin, sa deuxième phrase est un sommet de tartufferie. Il convient évidemment,
pour rétablir la vérité, de substituer le mot "employeur" à "employé". Bertrand aurait donc dû dire : "Nous voulons donner des garanties aux employeurs, faire en
sorte que ceux qui (font bosser leurs salariés) le dimanche puissent continuer". Halte aux régressions sociales !
Il y a bien mieux à faire le dimanche que travailler...
par Olivier
Bonnet
dans Plume de presse
Bon dimanche à tous.
PS : Les illustrations de ce billet proviennent de la Conférération autonome du travail et du site Drapeau rouge.