Quand j’ai découvert leur idée, encore en projet, en allant me perdre dans la blogochose, j’ai applaudi. Maintenant que je la vois réalisée, je me sens bien sûr embarrassé : j’ai une obscure propension à considérer que les plus belles idées ne doivent jamais être complètement réalisées. Mais je vois déjà les esprits pernicieux susurrer oh, c’est comme tel personnage de son dernier roman, c’est bien la preuve que… Non, ce n’est la preuve de rien du tout, demain, je penserai le contraire.
Et voilà, la belle idée est réalisée, et bien réalisée. La belle, l’excellente idée, c’est un blog dont la spécialité serait de présenter, pour chaque livre, un inventaire aussi exhaustif que possible des blogs qui en ont parlé, avec les liens, il n’y a plus qu’à cliquer. Une revue des blogs en quelque sorte. Cette idée vient d’être présentée par Blog-o-Book
Je trouve ça très bien pour les lecteurs : pour se faire un avis sur un livre, ils pourront surfer d’un blog à l’autre, comparer les points de vue, les relativiser selon les tenanciers de blog. Le libraire n’aura quasiment plus rien à leur apprendre. Ils n’auront peut-être même plus besoin de lire le livre.
J’y vois quand même un risque pour les tenanciers de blog
Un des défauts de la planète blog, c’est qu’elle ressemble parfois à ces marchés où les commerçants sont si heureux de se retrouver qu’ils s’interpellent sans cesse, d’étal à étal, en oubliant les passants… qui finissent par passer et s’en aller. Le plus grand danger des blogs littéraires, c’est peut-être celui-là : écrire non pour les visiteurs, mais pour les autres tenanciers. Car, on l’oublie, beaucoup de visiteurs de blogs n’ont pas forcément de blogs. On, pourrait l’oublier en lisant les commentateurs sous chaque billet, mais ceux-ci ne constituent pas un échantillon de la population de passage : ils commentent souvent par solidarité, ou pour créer un effet de rebond vers leur propre blog.
En quoi est-ce gênant que l’on écrive pour les autres tenanciers plus que pour les visiteurs ?
Le risque n’est pas le même, selon les tempéraments des tenanciers :
- pour les uns, le risque sera de contribuer à l’effet de chapelle, de salon littéraire : on tendra à se mettre plus ou moins d’accord sur ce qu’il faut penser de tel ou tel livre. Et il est vrai que certaines critiques se ressemblent étrangement, pas seulement par leurs idées, mais par leurs phrases, leurs mots, comme si elles résultaient de consensus consciemment ou inconsciemment construit.
- pour les autres, ce sera l’effet inverse, celui de la recherche de différenciation prioritaire : « Que vais-je pouvoir écrire qui n’ait pas encore été écrit ? ». Comme si l’originalité devait être une qualité essentielle d’une bonne critique, plus essentielle que la sincérité.
Ces deux risques existent, surtout quand on commente des livres récents. Curieusement, ils existent moins pour les magazines littéraires : par leur fréquence de parution, leurs chroniqueurs pensent et écrivent dans une certaine solitude.
Peut-être suis-je pessimiste. Sans grande conviction, d’ailleurs, puisque je tiens à saluer la naissance de Blog – O – Book. C’est un bel outil, intelligemment conçu, clairement présenté. Bravo.
Puisse chacun y apporter sa contribution en leur signalant les billets parus, qu’on en soit lecteur ou auteur. Mettez Blog-o-Book en lien sur vos blogs. Aidez-les, car les animateurs ont une admirable abnégation.
Bienvenue à Blog – O – Book !