En écho à un récent billet sur l’art chinois, je lis avec plaisir cette présentation du travail de Zan Jbai chez Kamel Mennour (c’était jusqu’au 31 janvier) : “L’art contemporain chinois est menacé par plusieurs travers et de nombreuses facilités. Le degré d’un exotisme savamment orchestré à des fins commerciales, la fausse distance critique à l’égard du maoïsme ou du capitalisme, les influences tantôt héritées de l’époque soviétique, tantôt du pop-art occidental, sont les ornières les plus fréquentes dont le public amateur commence à être profondément lassé.” (Nicolas Idier)
Le grand intérêt des peintures de Zan Jbai est qu’elles découlent de l’esprit même de la peinture classique chinoise, non point de ses formes et de ses motifs, mais de son essence même, le vide comme vecteur de l’esprit, comme force de l’expression. Alors que Pompidou prépare une prochaine exposition sur le vide, il est stimulant de voir ces tableaux où le sujet, d’abord invisible, puis péniblement discernable, prend corps dans notre esprit plutôt que dans sa représentation picturale.
Zan Jbai peint des personnages sans tête ou des têtes orphelines qui apparaissent derrière un voile, un brouillard, dans un blanc fade qui en fait des fantômes, de purs esprits flottant dans l’éther. Digne héritier du Moine Citrouille-Amère, il nous fait voir les corps différemment, à travers une perception irréelle, et pourtant si tragique. On comprend mieux pourquoi en Chine le nu est impossible (François Jullien).