Tournant du mois, rendez-vous avec notre rubrique « article du
mois »… J’ai envie de reparler art et poésie à travers cet article que j’ai écrit le 3 janvier…
« Et je pisse vers les grands cieux, très haut et très loin avec l’assentiment des grands héliotropes »… Qui se souvient de ces vers d’Arthur ? Restons dans cette coloration pour l’article de ce matin !
Qu’est-ce que la poésie, qu’est-ce que l’art ? Grandes questions que je m’amuse souvent à poser aux jeunes consciences dont j’ai la charge pendant mes heures de cours, notamment lorsque j’aborde ce que l’institution nomme « objet d’étude : la poésie ». Les réponses sont en général bien décevantes, « la poésie, c’est quand ça rime »…
Comment expliquer les choses simplement afin, à la fois, de corriger la représentation et d’interpeler ces consciences la plupart du temps vierges de toute culture poétique ? J’écoutais récemment un entretien donné par Claude Lévi Strauss sur une radio qui lui rendait hommage. Le grand ethnologue était interrogé sur les structures de l’art, et il livrait des propos très concrets. Il reprenait l’idée chère aux linguistes selon laquelle le vocabulaire a pour tâche d’affecter à des réalités des signifiés bien déterminés et il prenait l’exemple du fameux « urinoir » de Duchamp.
Le « génie » de Duchamp a consisté à « déplacer » l’objet de son signifié habituel pour « réveiller » en lui d’autres significations qu’il n’avait pas dans des toilettes publiques… Dans un musée, au contact d’autres objets d’art, sur des murs propres et sacrés par le regard des visiteurs et le culte de la Beauté, l’urinoir se mettait soudain à exister par sa forme, sa blancheur, sa différence, son extravagance…
Bref, il changeait de vie et se dérobait de son signifié initial. Il en va de même pour la poésie et pour l’acte d’écriture poétique… Je citerais volontiers à l’élève qui a tenu le choc de l’explication, ces trois citations d’auteurs : l’une de Supervielle selon lequel « le poète est le contrebandier de la langue », l’autre de Tardieu : « la poésie c’est quand un mot en rencontre un autre pour la première fois », enfin une dernière de Sartre : « la poésie ne se sert pas des mots, elle les sert ».
Bonne déglutition !
Le Ponton (13) : épilogue
envoyé par Sheumas1
Quand l'été est fini...
par Eric Bertrand publié dans : livresajouter un commentaire 2 commentaire (2) commentaires (2) créer un trackback recommander Précédent : Une réponse à l’article d’hier Retour à l'accueil