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Voyage au gré des thés

Par Chatperlipopette

Les amateurs de thé comprendront pourquoi je n'ai pu résister à faire partager le plaisir de lire cet extrait de roman!
"(...) A la fin de la rencontre du dimanche, à sa tombée de lumière, il te fait connaître un thé qui s'élance, nouveau sur tes papilles, fait son chemin à travers leurs mémoires, aiguise ton goût, ton esprit, mine de rien.
Le proverbe, c'est pour la sagesse floue des débuts du monde, au-delà du progrès - le progrès s'arrête où cesse l'harmonie. Le thé, c'est pour l'art de la conversation, pour apprendre la vie, ses nuances, ses arômes, devenir pour soi un ami. Il y a plus de mille ans, Lu Yu, ce fou de thé qui en étudiait les vertus, disait que l'art du thé n'est qu'un chemin pour mieux se connaître.
Il y a un thé pour chaque temps. Les noirs: le Yunnan, le grondement de la montagne d'ambre; le Keemun, une fleur qui chante dans l'été naissant; le Lapsang Souchong, compagnon d'un feu de bois; le Pu Ehr, qui crible d'enfance tous les déserts de l'âme; le Zhuang Cha, un passage étroit au-dessus même du vide; Le Tuo Cha, pour cette indécision, cette fraîcheur à conserver envers les choses; le Sichuan, la force tranquille. Les Oolongs: le Ti Kuan Yin, le thé de la déesse en fer de la miséricorde; le Fenchuang Dancong, pour lire entre les lignes; le Shui Hsien, le merveilleux, l'esprit de l'eau. Les verts: le Pi Lo Chun, fol comme un veau du printemps; le Lung Ching, un dragon qui dort dans son puits de terre; le Hangshan mao feng, la sérénité, l'humidité à garder à travers la tempête. Les blancs, les jaunes: le Yin Zhen, une brise de juin sur une joue rasée de frais; le Jun Shan Yin Zhen, des flaveurs qui prêtent vie; le Pai Mu Tan, à l'aube d'une promesse. Et puis, les préférés de ton maître, les Pouchongs, ces ors fermentés dans la douceur de Taïwan, son pays, Formose la belle: ses plages, ses jupes de soie grège qui coulent dans la mer. Mais, par-dessus tout, son préféré, celui-là, tout simple, dont les valeurs boisées l'inspirent: un ciel d'avril qui danse dans la forêt, le Tung Ting.

Le maître jette l'eau souriante sur une brique de thé. Sous le jet d'eau bouillante, le dragon se déploie. Il verse la part de la terre qu'il fait tomber sur le sol. (...)"

(p 41 et 42) in "La route des petits matins" de Gilles Jobidon

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