"Qu'est-ce qu'un ami ? Est-ce que j'en ai un ? Est-ce que j'en suis un ?" Quatre ans après avoir abordé les relations familiales dans "Père et fils", Michel Boujenah s'attaque, dans son deuxième fils "Trois amis" (ce mercredi sur les écrans français), à une question qui ne sort certes pas des sentiers battus : "C'est quoi cette relation étrange qu'on appelle l'amitié ?"
Le sujet a été traité au cinéma des dizaines de fois depuis des dizaines d'années. Pourtant, sans rechercher l'originalité, Boujenah a su faire vivre trois personnages et raconter une histoire drôle, parfois émouvante, sans prétention mais sans fausse note, avec un mélange de gros gags et de pudeur. A l'image, vous verrez, de la toute dernière scène...
Claire, César et Baptiste se sont connus tout gamins, à l'orphelinat. Ils avaient en commun de n'avoir pas connu leurs parents : Claire est née sous X, César a été confié à un foyer et les parents de Baptiste sont morts quand il était enfant.
Une trentaine d'années plus tard, ces trois-là sont des amis à la vie, à la mort. Du genre qui se comptent sur les doigts d'une seule main, pour qui "les ennuis de mes amis sont mes ennuis".
Claire (Mathilde Seigner) est une informaticienne au chômage, qui cherche l'âme soeur et surtout tente de retrouver sa mère qui l'a abandonnée à la naissance. Les démarches administratives pour cela constituent un vrai parcours du combattant, mais elle ne baisse pas les bras.
César (Pascal Elbé) est vendeur de matelas dans un grand magasin, pas très doué, mais qui couche -en cachette- avec la fille du patron, amoureuse et un rien nymphomane. Une vie un peu trop simple qui ne le rend pas vraiment heureux.
Baptiste (Kad Mérad), fils d'un petit boulanger de Montauban, a réussi dans les affaires : il est patron d'une minoterie et a reçu la médaille du Mérite. Mais sa vie sentimentale s'effondre quand sa femme le quitte après trois ans de mariage.
C'est à cause de ce mariage, aux Etats-Unis, sur un coup de tête, que Baptiste s'est brouillé avec Claire et César. Et c'est à l'occasion du départ de sa femme, trois ans après, que ses deux amis renouent avec lui.
Claire et César vont tout faire pour aider Baptiste à sortir de la déprime. Mais pour eux aussi d'autres choses vont arriver : Claire va rencontrer (peut-être) l'homme de sa vie, César va se faire virer par son patron et rompre définitivement (peut-être) avec la fille de celui-ci. Bref, les trois quadragénaires ont chacun beaucoup à recevoir et surtout à donner aux deux autres. Car, comme le dit Boujenah: "Au fond, quel est ce sentiment étrange qui m'habite quand un ami a besoin de moi? Un bonheur ou un besoin ?".
Dans leurs petits malheurs, ces trois-là savent rire et le film baigne donc dans l'humour, entre deux scènes plus retenues ou émouvantes. L'amitié, protéiforme dans le film, est bien sûr le thème central abordé par le réalisateur: "J'ai vu autour de moi des couples divorcés, des gens angoissés par le travail et la maladie, d'autres qui n'avaient plus de combats collectifs ou qui étaient déplacés géographiquement à cause du marché du travail, et tous n'avaient qu'une seule chose qui les ramenait à la réalité : leurs amis. L'amitié, c'est un peu comme un radeau de la Méduse".
Michel Boujenah -et d'autres l'ont fait avant lui, dans le cinéma américain notamment- pourrait prononcer la même phrase en remplaçant "amis" par "famille". Avec moins de pertinence peut-être, puisqu'on ne choisit pas sa famille. Mais choisit-on vraiment ses amis ?
Pour son deuxième film, le réalisateur a en tout cas choisi un très agréable trio d'acteurs, épaulés par quelques bons seconds rôles (Yves Rénier, Daniel Duval) et notamment Philippe Noiret, dans sa toute dernière apparition au cinéma, affaibli et malade, mais émouvant après avoir été le pilier du premier film de Boujenah "Père et fils".