Un mécanisme génétique simple pour expliquer l'origine des espèces

Publié le 31 janvier 2009 par Benjamin Tolman
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France - Comment se créent les barrières de reproduction qui isolent les espèces les unes des autres ? Une étude réalisée par l’équipe d’Olivier Loudet, à l’INRA de Versailles en collaboration avec l’université de Nottingham, révèle un des aspects de leur mise en place dans le génome au cours de l’évolution.

Spécialisés dans la génétique de la plante modèle Arabidopsis thaliana, les chercheurs ont d’abord constaté que la descendance issue du croisement entre deux souches naturelles de la plante -Columbia (Col) et Cape Verde Island(Cvi)- n’obéissait pas totalement aux lois classiques de l’hérédité de Mendel : certains individus résultant d’une combinaison génétique spécifique des deux génomes parentaux manquaient à l’appel.
Ils ont découvert que ce phénomène résultait d'une incompatibilité entre deux régions chromosomiques, portées par le chromosome 1 de Col et le chromosome 5 de Cvi, qui ne se retrouvaient jamais ensemble à l’état homozygote dans le génome des plantes issues de leur croisement.

Une étude génétique plus poussée leur a permis d’attribuer cette incompatibilité à un seul gène, celui de l’histidinol phosphate aminotransférase (HPA) : celui-ci est porté par le chromosome 1 chez la souche Cvi et est présent en deux copies, sur les chromosomes 1 et 5, chez la souche Col.

L’inactivation au cours de l’évolution de la copie de HPA présente sur le chromosome 1 de Col a abouti à ce que, au sein de l’espèce Arabidopsis, le gène fonctionnel soit porté par un chromosome différent dans Cvi et Col. Or le gène HPA code pour une enzyme indispensable à la synthèse de l’histidine, un acide aminé essentiel : les descendants de ces deux souches qui héritent à la fois du gène HPA inactif porté par le chromosome 1 de Col et du chromosome 5 de Cvi ne peuvent donc pas se développer, privés de gène HPA fonctionnel.
Preuve que l’absence de ce gène est bien la cause de l’incompatibilité chromosomique observée, les chercheurs ont constaté que ces embryons se développaient normalement si les plantes qui les portaient étaient arrosées avec une solution contenant de l’histidine.
"Le fait que la descendance de certains croisements ne soit pas toujours fertile est connu chez presque toutes les familles d’espèces végétales, précise Olivier Loudet. Mais ici, pour la première fois, nous avons mis le doigt sur un mécanisme simple qui l’explique dans une espèce."

La duplication et la dispersion de gènes essentiels au sein du génome, suivies de l’inactivation de certaines copies de ces gènes au cours de l’évolution, pourraient réduire progressivement les possibilités de croisements féconds entre différentes souches et aboutir à terme à leur séparation en espèces distinctes. Ce mécanisme simple et rapide pourrait expliquer en partie l’origine génétique des espèces. Ces résultats sont publiés dans la revue Science du 30 janvier 2009.