« Ah ! Si seulement Mr Sarkozy pouvait me faire un procès ! » C’est le regret plaintif que doivent formuler désormais tous les entrepreneurs envieux, après l’incroyable publicité donnée involontairement par l’Élysée à la compagnie aérienne Ryanair ! Nicolas Sarkozy tombe ici dans le même piège (un boomerang classique où le meilleur soutien réside dans un opposant !) guettant aussi le Conseil de l’Ordre des Médecins : en s’attaquant à un guérisseur célèbre, il lui offre paradoxalement, par la médiatisation induite, une puissante caisse de résonance pour amplifier encore sa notoriété et développer sa clientèle ! J’imagine que l’objectif (raisonnable) de notre président est qu’on le laisse en paix (encore que Loanna, qui connaît son sujet, a dit un jour : « les paparazzi nous ennuient, mais leur absence nous ennuierait encore plus ») pour pouvoir (nous) présider sereinement. Cette exploitation de l’image ‘‘people’’ du président est « inacceptable » estime David Martinon, porte-parole de l’Élysée. Mais en portant plainte contre cette pub, à l’origine confinée à un quart de page du Parisien-Aujourd’hui, Nicolas Sarkozy se détourne au contraire radicalement de son objectif de tranquillité médiatique, puisqu’il crée ainsi une surmédiatisation de cette histoire (un avatar de « buzz » ou « marketing viral ») prouvant combien l’annonceur avait raison de recourir à ce procédé ! En effet, bonheur rarissime pour une marque, la pub en question est reprise par tous les journaux (et les blogs, dont celui-ci)… sans coût supplémentaire, le procès possible devenant alors un investissement fructueux ! Boomerang délicieux : décollant du seul Parisien, Ryanair se trouve plongé (merci Nicolas !) dans un « plan media » inespéré : « les retours en termes de marque et d’efficacité sont incomparables par rapport au procès éventuel » explique le publicitaire Pascal Grégoire dans 20minutes (29/01/2008). Grâce au président, trop prompt à s’ombrager, Ryanair est cité partout, y compris de bouche-à-oreille dans les conversations familiales ou entre collègues : c’est le phénomène de « buzz », le rêve ! Si l’Élysée avait feint plutôt de tout ignorer, l’affaire eût été circonscrite aux seuls lecteurs du Parisien ! Nous voyons donc la voie à suivre pour devenir célèbre : provoquer un puissant de ce monde, pour le contraindre à réagir : cette réaction intempestive devient alors un inestimable levier promotionnel ! C’est décidé, j’applique aussitôt, en revendiquant ici-même un droit de préemption sur ce titre de roman : « Carla et Cécilia ». Je le signerai, au hasard, sous le pseudonyme « Nicolas ». Ça n’aura strictement aucun rapport avec notre (hyper)actif président, mais sa réaction instantanée me vaudra enfin une notoriété décuplée !
Post scriptum : sur le site du NouvelObs, figurent les réactions des internautes sur cette affaire de la judiciarisation élyséenne de la pub Ryanair. On peut y lire cet extrait du discours de Tours du candidat Sarkozy, le 10 avril 2007 : « Être Président de la République, tel que je le conçois, c’est une ascèse, c’est l’oubli de soi… un Président de la République c’est quelqu’un qui n’a pas plus de droits, plus de privilèges et moins de devoirs. Mais quelqu’un qui au contraire a moins de droits, moins de privilèges que quiconque et plus de devoirs. » Rhétorique parfaite. Mais à comparer, in concreto, avec le train de vie réel du président… et de tous les autres, d’ailleurs ! Et puis, où est « l’oubli de soi » dans une telle plainte ? Où est « l’ascèse » quand sa compagne réclame en une fois plus d’argent que n’en gagnera le « Français moyen » dans toute sa vie ?
Épilogue