Journal desespere d'un ecrivain rate

Par A_girl_from_earth

JOURNAL DESESPERE D'UN ECRIVAIN RATE

Présentation de l'éditeur
"Difficile, la condition d'écrivain classique. De nos jours, ni Balzac, ni Stendhal, ni George Sand ne trouveraient forcément grâce aux yeux des éditeurs. Pas plus que tout autre écrivain contemporain... Vous vous demandez pourquoi ? Mary Dollinger, avec son humour et son (faux) flegme britanniques, s'est penchée sur ce problème. Les auteurs, eux, ne s'en sont pas encore remis."

Ca y est, j'ai enfin lu du Mary Dollinger, cette Anglaise qui s'obstine à écrire en français, comme elle aime à se présenter elle-même!
Pour la petite anecdote, j'ai voulu jouer le jeu et attendre de prendre le bus pour profiter de cette lecture spécialement conçue pour ce cas de figure, et quelle excellente idée que cette collection "En attendant le bus" chez l'éditeur Jacques André!

Ce livre peut en décontenancer plus d'un par son volume qui n'est pas très épais et qui tient quasiment dans le creux de la main - en fait pour la deuxième anecdote, j'avais commandé deux livres dont celui-là sur Amazon.fr, et quand j'ai reçu mon colis, je me suis dit qu'ils avaient oublié un livre sur les deux - mais, comme on le sait, ce n'est pas la taille qui compte, et ce court roman n'a rien à envier en qualité à ses copains les pavés.

Original, fin et drôle, voilà pour résumer. Ecriture fluide et agréable pour poursuivre. Satire et dérision pour mieux situer le livre.

Et dans le détail, j'ai beaucoup aimé le fait d'imaginer les écrivains classiques sous l'oeil critique et à la merci d'éditeurs contemporains. Y passent Stendhal, Hugo, Flaubert, Zola, Maupassant, pour n'en citer que quelques-uns. Les échanges sont vraiment truculents! Enfin, échange à sens unique pour la plupart du temps car si les éditeurs ne manquent pas de verve pour descendre ces chefs-d'oeuvre de la littérature française, les écrivains, eux, mis à mal, se retrouvent muets, d'abattement ou d'orgueil, selon la personnalité.
Certains passages sont d'autant plus drôles que Mary Dollinger met le doigt sur des éléments qui peuvent en effet être pénibles pour le lecteur lambda dans les classiques.

Je repense au chapitre avec Stendhal dont La Chartreuse de Parme est sévèrement passé en revue par Anne Carrière, un passage qui m'a fait hurler de rire:
"Le parcours de Fabrice est confus pour le moins, il va, il vient, il couche, il ne couche pas [...]. Ce que le lecteur veut c'est une ligne de conduite simple, logique [...]. S'il pose le livre pour répondre au téléphone et est obligé de relire les pages précédentes car il ne se souvient plus si Fabrice allait ou venait, nous irons droit dans le mur."

J'étais pliée aussi avec l'épisode Flaubert où l'éditeur conseille à l'auteur de revoir le titre et certains passages de Madame Bovary (que j'ai adoré!) dont la trame se retrouve ainsi toute chamboulée, Victor Hugo à qui l'on recommande vivement d'abandonner l'écriture de romans au profit de la poésie, et j'en passe... Comme quoi les conseils des éditeurs ne sont pas toujours bien avisés!
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"A la merci" je disais plus haut, hé oui, car comme le souligne si bien l'auteure, l'écrivain dépend du bon vouloir de l'éditeur pour voir son travail publié et lu par le grand public. Et pour se faire, l'écrivain qui veut être édité doit accepter les exigences de l'éditeur et faire des concessions sur son oeuvre, prostituer son âme quelque part, car il n'y a de place, sur ce marché, que pour ce qui est sûr de se vendre, au mépris parfois de la qualité, de l'expression artistique et d'une certaine authenticité, business is business, les éditeurs sont des hommes d'affaires avant tout!
Et comme le démontre cette petite mise en scène caustique entre écrivains classiques et éditeurs contemporains, et pour ne citer que l'exemple de la mère d'Harry Potter, à rejeter les manuscrits à tout va, certains, manquant de flair, passent à côté de sacrées perles...


Quelques réflexions après-coup:
Quelle est la recette du roman à succès garanti aujourd'hui? Un roman moins 15% de matières descriptives, enrichi en vitamines A (ction) et S(exuelle)?
L'écrivain devra-t-il lui aussi se mettre au roman diététique et sans saveur?
Peut-il survivre à cette forme de dictature de la mode littéraire qui lui dénie le droit d'être lui, d'être tout court, d'exister?
Allons, ne mélodramatisons pas, nous, lecteurs, sommes là pour y veiller!


Ah oui! J'ai adoré les remerciements de l'auteur à ces écrivains classiques à la fin de son ouvrage, vraiment très drôle!


Egalement commenté par Géraldine, qui nous régale, en prime, d' une interview exclusive de l'auteure!

A découvrir également, le blog de l'auteure, Mary Dollinger.