Peut-on intégrer des intégristes?

Publié le 30 janvier 2009 par Beniouioui

Alors que le monde vit des tourments qu'il avait rarement connus, alors que le Proche-Orient sombre dans la nuit profonde, alors que la crise financière nous interdit toute frivolité, les journaux français ont trouvé un os à ronger beaucoup plus amusant : Benoit XVI.

Ce brave homme aurait très mal agi. De l'Humanité au Figaro en passant même par La Croix et l'inénarrable Témoignage Chrétien, le pape se serait fourvoyé. Conservateur. Réactionnaire. Antisémite. Bouh, le méchant! En annulant l'excommunication des quatre évêques de  la fraternité sacerdotale Saint Pie X (Bernard Fellay, Bernard Tissier de Mallerais, Richard Williamson et Alfonso de Galaretta), l'homme en blanc aurait eu une idée noire. Mais pas la belle noirceur d'Obama, non non non. Plutôt la noirceur démoniaque de celui qui a consciemment plongé dans l'océan du mal.

Deux raisons à ce dégoût :
1- La première est que Benoit XVI "réintègrerait" des diablotins extrêmistes qui nous emmerdent depuis 20 ans.
2- La deuxième est que l'un de ces diablotins est un antisémite notoire dont les compétences historiques ont été piochées dans les pochettes surprises de l'absurdité, de l'ignorance et de la haine.

Que dire face à ces réactions normal de rejet?

Dire tout d'abord que la levée de l'excommunication ne signifie pas la "réintégration." C'est vraie mais cela reste de la sémantique aux yeux de beaucoup. Néanmoins, précisons quand-même que les évêques sources de ces troubles ont dû préalablement faire repentance et devront, dans la foulée, accepter Vatican II comme un concile valable et valide. Bref, ils devront la ramener un peu moins et accepter les autres sans les traiter de tous les noms.
Dire peut-être alors que ceux qui sont gênés par cette nouvelle troublante doivent comprendre que l'unité passe aussi par l'ouverture aux autres, la main tendue à ceux qui ne partagent pas notre point de vue, la charité envers ceux que nous n'aimons pas. Un catholique devrait toujours déborder d'amour pour son pire ennemi.
Dire aussi que le principe d'excommunication concerne une problématique théologique. Pas une problématique politique où tout le monde aurait un point de vue sur la question. "Tant que l'histoire de la chasse sera racontée par le chasseur, le lion sera toujours vaincu." Dans notre monde, nous aimons faire des amalgames. Tout confondre pour tout embrouiller. Or la question qui s'est posée avec Monseigneur Lefebvre en 1988 n'était pas de savoir s'il votait pour untel ou untel. S'il était d'extrême-gauche ou d'extrême-droite. Le cardinal Ratzinger, Prefet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et futur Benoît XVI, avait considéré à l'époque que la désobéissance de Monseigneur Lefebvre et sa non-reconnaissance de Vatican II étaient incompatibles avec la foi de l'Eglise.
Dire enfin qu'il nous faut faire un effort difficile au fond de notre coeur. Le plus difficile d'entre tous : aimer ce que nous detestons. Il y a certainement des prêtres antisémites; il y a vraisemblablement des prêtres violents, idiots, méchants; il y a même des prêtres pédophiles. Mais le péché n'est pas forcément source d'excommunication. L'excommunication signifie qu'un baptisé se met lui-même "en dehors de la communauté". Cela a une définition précise dans le droit canonique. Différente du péché qui doit être confessé. D'ailleurs, allons au bout du raisonnement et soyons choquants : si demain un mufti levait sa fatwa contre les homosexuels de son village et que l'un d'entre eux niait haut et fort l'existence des chambres à gaz, cela devrait-il le conduire à ne pas lever sa fatwa contre les homosexuels?

Benoit XVI a décidé de ramener les brebis égarés au bercail. En leur demandant d'accepter la foi de l'Eglise et de la respecter. Si parmi ces brebis, il reste quelques connards qui racontent des choses inadmissibles, ils doivent être condamnés pour cela. Virés de leur fraternité. Désapprouvés publiquement. Mais ne confondons pas théologie et politique. Séparons le gouvernement de la terre et le royaume des cieux.
Et balayons devant notre porte.

Aimer son prochain comme soi-même, ça parait simple. Tout le monde le crie et se noie dans les bons sentiments. Pourtant quand il s'agit de son ennemi... ça se corse.
Eh bien, profitons-en aujourd'hui. A partir de cet exemple qui fait la une des journaux, à partir de ce ressentiment, de cette incompréhension, essayons dorénavant d'aimer nos ennemis.