J'étais loin du compte. Sans doute parce que j'étais sous le coup de l'émotion. 15 000 voire 20 000 ! Paris-Normandie a compté les manifestants présents hier à Evreux. Ce fut une belle et grande manifestation, voilà ce qu'on peut affirmer aujourd'hui à tête reposée. Syndicalistes, élus, politiques, ont composé un maelström bon enfant, paisible, convaincu. De ce grand mouvement saluons la solidarité et la camaraderie, la volonté d'adresser un message sérieux au pouvoir.
Et pourtant, un incident a faillé gâcher la journée quand un militant a agressé verbalement certains policiers, lesquels auraient dû faire la sourde oreille et faire preuve d'une distance nécessaire en pareil cas. Au lieu de cela, ils se sont jetés sur le révolté, l'ont mis à terre et traîné jusqu'à une boutique où il a disparu de la circulation. Pendant 45 minutes, les militants du NPA et du Parti de Gauche ont scandé : «libérez notre camarade !». Il a fallu l'intervention d'un négociateur de la CGT pour qu'un accord intervienne : le manifestant a donc été conduit au commissariat de police. Ne doutons pas qu'il sera poursuivi pour outrages aux forces de l'ordre. Ne doutons pas que celles-ci avaient reçu des ordres pour ne rien laisser passer. Pour preuve, le tir de flash-ball sur un jeune qui n'était vraiment pas indispensable !
Passons sur cette anicroche. Retenons la phase historique du mouvement du 29 janvier. Contre la désespérance, contre un pouvoir arrogant, des milliers de salariés et de retraités, du public et du privé ont peut-être donné naissance, hier, à un flux montant vers plus de respect, moins de précarité, plus de reconnaissance du monde du travail. Qu'on en ait ou qu'on n'en ait pas.