Si la l’impact du tabagisme sur la santé est bien connue, celle du tabagisme passif l’est beaucoup moins. L’exposition passive à la fumée est responsable de nombreux troubles chez l’adulte. Ces troubles sont encore plus marqués et graves chez l’enfant et chez la femme enceinte (impact fœtal).
"L'environnement du fumeur":La fumée à laquelle est exposé le non fumeur est un mélange de la fumée produite par la combustion du tabac (cigarette, narguilé, pipe) lorsque le fumeur inhale, de la fumée rejetée par le fumeur et de la fumée produite entre deux inhalations, formant ainsi ce qu’on appelle « l’environnement du fumeur ». Elle consiste en deux phases : une phase gazeuse (contenant le CO et la nicotine) et une phase particulaire (contenant les goudrons). D’après le rapport du California Environmental Protection Agency, certains composés peuvent atteindre des niveaux jusqu’à 10 fois supérieurs ceux dans la fumée inhalée.
La fumée de la combustion du tabac contient de la nicotine, du CO, des substances toxiques, irritantes, cancérigènes. La concentration des particules est variable, et dépend du régime de « fumage », de la composition du tabac utilisé, du mode de chauffage utilisé, du type du narguilé, ainsi que du renouvellement d’air.
Ainsi on trouve dans la fumée inhalée par un non fumeur exposé au tabagisme passif :
- De la nicotine.
- Du CO.
- Des hydrocarbures aromatiques polycycliques.
- De l’acétaldéhyde
- De l’acroléine.
- Des amines aromatiques. .
- Des substances non organiques telles que l’arsenic, le plomb, le cadmium, du chrome, du nickel.
Impacts sur la santé : Pathologie cardiovasculaire :
Le tabagisme passif est un facteur de risque de maladie cardiovasculaire (MCV) chez le non fumeur. Une telle exposition augmente le risque d’infarctus aigu du myocarde même sur cœur sain. Une exposition aigue à la fumée cause des arythmies parfois dramatiques, des accidents emboliques aigus, des spasmes des artères coronaires, responsables d’accidents cardiaques sur cœur sain.
L’exposition chronique à la fumée du tabac augmente le risque de MCV et d’IDM chez des non fumeurs au cœur sain. Ce risque est d’autant plus grand qu’il existe un régime alimentaire riche en acides gras mono-insaturés et pauvres en polyinsaturés, de surpoids, d’anomalies du bilan lipidique, d’existence d’une artériopathie, d’un stress, d’ATCD de MCV.
Pathologie respiratoire :
Les effets respiratoires de l’exposition passive à la fumée du tabac s’observent à tous les niveaux du système respiratoire, extra et intra-thoracique.
L’asthme :
De nombreuses études rapportent des anomalies de la fonction pulmonaire chez les enfants de femmes ayant fumé pendant et/ou après leur grossesse.
La nicotine fœtale entrainerait des altérations du collagène I et III chez le fœtus, et donc d’anomalie de la structure alvéolaire.
Il existe également une hyper réactivité bronchique chez les enfants et l’adulte exposé passivement à la fumée du tabac.
Les infections :
Le rôle du tabagisme passif dans les infections respiratoires s’explique par plusieurs mécanismes :
Le tabagisme passif entraine une inhibition de la réponse anticorps des lymphocytes T.
Le tabagisme passif entraine une augmentation de la réactivité des macrophages qui vont libérer dans la circulation sanguine des broncho-constricteurs.
Le tabagisme passif détériore la clearance mucociliaire entrainant une augmentation de l’adhérence des bactéries aux parois du tractus respiratoire.
La BPCO (broncho-pneumopathie chronique obstructive) :
Si beaucoup d’études se sont intéressées au rôle du tabagisme actif dans l’éthiopathogénie de la BPCO, très peu ont étudié ce risque chez les personnes exposées passivement à la fumée du tabac.
Les altérations pulmonaires engendrées par le tabagisme passif seraient intensifiées en cas de tabagisme actif ultérieur, avec une augmentation du risque de développer une BPCO.
Pathologie ORL :
Il a été démontré, notamment chez l’enfant, la relation entre le tabagisme passif et les symptômes ORL à type d’irritation nasale, de congestion, de rhinite catarrhale, d’infections ORL récurrentes.
Cancérogenèse :
Plus que cinquante substances cancérigènes ont été identifiées dans la fumée à laquelle le « fumeur passif » est exposé.
La pathogénie cancéreuse de la fumée du tabac est similaire à celle du tabagisme actif, bien que les quantités soient moins importantes chez le non fumeur exposé à la fumée du tabac d’autrui.
Après action enzymatique, nombreux cancérigènes sont transformés en métabolites. Ces métabolites sont dosables dans les urines.
Le cancer du poumon :
Le rôle du tabagisme passif dans le développement du cancer pulmonaire a été évoqué pour la première fois en 1981. Aux USA, c’est la 3ème cause de décès. On estime à 3000 de cancers pulmonaires liés au tabagisme passif par an.
Le cancer de la vessie :
Les non fumeurs exposés à la fumée du tabac courent un risque de développer un cancer de la vessie. Ceci est secondaire à l’action des cancérigènes excrétés dans les urines.
Le cancer du sein :
L’exposition au tabagisme passif est l’un des facteurs de risque du développement du cancer du sein ; ce risque est d’autant plus important que la précocité et la durée de l’exposition.
Chez la femme enceinte:
L’exposition de la femme enceinte au tabagisme passif est étiquetée comme facteur de risque de faible poids de naissance et complications néonatales, de retard de montée laiteuse, de risque de syndrome de mort subite et inexpliquée du nourrisson.
On parle du syndrome de tabagisme fœtal (baby smoking syndrome) associant à la naissance :
1.Faible poids de naissance.
2.Score d’Apgar bas.
3.Détresse respiratoire néonatale.
L’exposition au tabagisme passif serait un facteur de risque de complications liés à l’accouchement.
Par contre il n’existe pas de preuve quant au risque d’augmentation de la mortalité néonatale liée au tabagisme passif de la mère.
Il n’existe pas non plus une preuve du risque de retard psychomoteur, intellectuel ou cognitif chez les enfants de mères ayant été exposées au tabagisme passif durant leur grossesse.
C’est aussi valable pour le risque de développement de cancers.
Chez l’enfant :
Chez les enfants exposés au tabagisme passif on observe :
1.Une augmentation de la fréquence des pathologies respiratoires : bronchites, pneumonies, symptomatologie non spécifique faite de toux, d’expectoration, de wheezing, d’essoufflement à l’effort.
2.Une augmentation des symptômes ORL : rhinite, irritation naso-pharynée, sinusite, polypose nasale.
3.Une recrudescence de l’asthme en nombre de crises et en sévérité.
4.Irritation oculaire : rougeur, larmoiement, picotement.
5.Céphalées, surtout le soir.
Syndrome de mort subite et inexpliquée du nourrisson (MSIN) :
De nombreuses études ont documenté la relation entre le tabagisme maternel durant la grossesse et après l’accouchement et l’augmentation du risque de MSIN.
L’importante neurotoxicité de la nicotine entraine des altérations de la réponse cardio-respiratoire à l’apnée expiratoire du sommeil, secondaire à un développement anormal des barorécepteurs et du système nerveux autonome.
S’ajoute à ça l’augmentation des infections respiratoires et ORL chez les bébés exposés.
Fertilité :
Il n’existe pas encore une preuve tangible permettant de déduire la présence ou l’absence d’une relation causale entre l’exposition passive à la fumée du tabac et la fertilité et/ou la fécondité aussi bien chez la femme que chez l’homme.
L’intoxication au CO:
L’environnement du fumeur est riche en CO dont une partie provient du courant secondaire, l’autre du courant tertiaire. Si le taux de CO est quasi inchangeable dans le courant tertiaire, il est beaucoup plus variable dans le courant secondaire, ceci en fonction du type de chauffage du tabac. Ainsi, avec le charbon de bois le taux est plus élevé qu’avec le charbon incandescent (ou à allumage rapide), et presque inexistant en cas d’utilisation de résistance électrique.
Les anomalies biologiques :
Outre les perturbations du bilan lipidique, on observe des anomalies du fibrinogène, des anomalies des plaquettes, une polyglobulie secondaire à l’hypoxie cellulaire, avec diminution de la déformabilité des globules rouges.