L’une des grandes forces de l’enseignement, c’est celle qui consiste à essaimer.
Un professeur qui aime son métier, quand il est à l’œuvre, est « au labour »…
Il fouille, il creuse, il sillonne, puis il récolte et sépare le bon grain de l’ivraie afin de le transmettre aux jeunes esprits dont il a la charge. Ces jeunes esprits qui, pour citer Montaigne, sont comme les abeilles qui « pillottent de çà de là les fleurs pour en faire le miel… savourent le miel à condition qu’ils sachent cultiver en eux le goût de l’épreuve et de l’effort personnel.
Cette vérité applicable à toutes les matières est encore plus évidente pour tout ce qui touche à la littérature (même si au collège on travaille davantage sur le « français », on le fait, comme le préconisent les programmes, à partir de textes ouvertement littéraires…)
Dans les établissements scolaires, l’enseignement du français passe par deux niveaux : celui de la transmission et celui de l’acquisition. Et pour l’élève, (et ses parents…) ce qui importe alors concerne avant tout l’évaluation.
A l’issue d’une séquence pédagogique, il sait qu’il doit être évalué à partir de ce qu’il a compris et retenu. Moment délicat qui fait intervenir un faisceau complexe de compétences : différents critères entrent en effet en ligne de compte en fonction de l’exercice, du type de support, de la densité de la matière communiquée, du niveau de la classe, de la relation que l’enseignant crée en cours dans la durée de l’année scolaire… Autant de données difficilement quantifiables !
Et voilà qu’on nous demande de programmer, comme en commission de jury, un ensemble de compétences…
Il est peut-être rassurant et plus « transparent », au seuil d’une année et d’une salle de classe, de jeter le filet finement maillé de ces « compétences ». Mais ce « cérémonial » et cette pratique n’éloignent-ils pas beaucoup l’enseignant de son véritable but ?
Lui faut-il réduire l’enseignement de la Littérature et du français à des objectifs si délimités et forcément réducteurs ? En filtrant ainsi les contenus, le professeur ne risque-t-il pas, sous prétexte de mieux évaluer les élèves, de stériliser la matière et de la leur rendre encore plus rébarbative ?
Ou alors, peut-être que rompus à l’exercice des claviers et des SMS, ils trouveront finalement un plaisir paresseux à envisager le subtil travail d’écriture, de réflexion et d’élaboration de la pensée à travers la grille réduite d’un nombre défini d’items à valider…
Certes, je ne nie pas le bien fondé de la maîtrise de tel ou tel outil, qu’on additionne commodément à tel autre… Certes, je ne nie pas la commodité du repérage mécanique de certaines lacunes… Mais, tout compte fait, jusqu’où la somme de ces petits chiffres pourra-t-elle élever l’esprit de l’élève ?
Et dans ce scénario du calcul, le bon professeur
n’est-il plus qu’un froid technicien, un rentable évaluateur d’items ? Et dans ce sens, devient-il plus « fréquentable » par des parents d’élèves qui, enfin, ne l’identifient plus
comme « un original », un « intellectuel », « un poète »… mais comme un dévoué fonctionnaire, pélican à l’estomac presque
vide, mais au poil lisse !
"le Ponton" (11) : bella ciao !
envoyé par Sheumas1
Fin de la romance entre jeunes ! Les commères sont de retour et elles chantent à tue-tête ! par Eric Bertrand publié dans : Pédagogie communauté : Pédagogie
ajouter un commentaire 0 commentaire (0) commentaires (0) créer un trackback recommander Précédent : Questions d’enseignement Retour à l'accueil