C'est peut-être là, d'ailleurs, que Guerilla se fait moins hypnotique que son prédécesseur : en se montrant légèrement plus explicatif, disséquant certains mécanismes à la manière d'un Traffic minimaliste. Chaque fois que le film se réfugie dans les salles de réception du président bolivien ou dans tout autre endroit un peu plus confortable que la forêt, cela provoque d'inévitables sautes de rythme ou d'intensité. À vrai dire, on serait bien resté dans le maquis deux heures durant, à guetter toute opportunité ou offensive ennemie, adoptant intégralement le point de vue de personnages réalisant soudain que faire la guerre, c'est avant tout attendre. Il y a presque un côté Tropical malady dans certaines de ces scènes d'une beauté féroce mais apaisante, par la façon dont Soderbergh initie la communion de ces hommes avec la nature.
Plus encore que dans le premier volet, les fans de Guevara en seront pour leurs frais : globalement, on n'y apprend absolument rien sur lui, et Guerilla va même plus loin que L'Argentin en évitant même de le montrer comme un héros ou un sage. C'est un leader pas idiot, pas un magicien ni un surhomme. Tout juste son activité de médecin lui confère-t-elle une aura légèrement supérieure. Mais du début à la fin, y compris lorsqu'il filme sa mort, Soderbergh s'attache à ne pas en faire une icône, à montrer que le Che est à la fois beaucoup plus qu'une photo pour t-shirts et beaucoup moins qu'un dieu. Pari osé mais réussi pour ce film d'une beauté folle (même quand Steven sort ses traditionnels filtres colorés) qui clôt un diptyque singulier et courageux.
7/10