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Quelques questions à Pascal Thomas

Par Aaapoum Bapoum

Pascal Thomas, le réalisateur des Zozos (1972) et très récemment de Le Crime est notre affaire, a co-écrit la cultissime BD Pravda la survireuse (1968) avec Guy Peellaert disparu il y a peu. La trop courte interview qui suit était destinée au magazine Zoo n°17, mais faute de pages disponibles elle fut retirée du sommaire. C’est donc le Aaablog qui accueille ce précieux témoignage sur la création d'une œuvre majeure du neuvième art.

Dans quel contexte est née Pravda la survireuse ?

Pascal Thomas : À l’époque, j’étais un jeune journaliste, notamment pour Elle et pour Lui. Je rencontrais fréquemment Gébé, Reiser, Topor, Guy Peellaert. On se retrouvait à La Coupole. Il était un peu plus vieux que moi, mais nous étions tous les deux très cinéphiles, très amateurs du cinéma américain des années cinquante. J’avais déjà interviewé Hitchcock, Billy Wilder, William Wyler... Nous étions tous deux admiratifs devant les Walsh, Fuller, sans oublier Jacques Tourneur... Ah... La flibustière des Antilles... C’était le Hollywood d’avant la décadence. J’étais aussi féru de la BD américaine de « l’Âge d’or »... Red Ryder, Prince Valiant, Le Fantôme... Je collaborais à la revue de BD Giff-Wiff, dirigée par Lacassin. J’y officiais sous divers pseudonymes (Gilles Arnold, Nelly Richard...)et j’en étais une sorte de « financier ». 

Peellaert voulait qu’on fasse une histoire ensemble, plus libre et provocante que Jodelle, qu’il trouvait trop « mièvre ».

Pravda_une_fille
Comment travailliez-vous ?

On discutait, la trame se faisait au jour le jour. Nous souhaitions une narration moderne. Nous ne pensions pas à une histoire dans sa continuité, mais plutôt à des séquences flamboyantes... Beaucoup de planches ont été dessinées du côté de ce qui est maintenant « Beaubourg », chez André Ruellan, médecin qui écrivait de la SF sous le pseudo de Kurt Steiner. Il soignait les prostituées du coin. Les premières lectrices de Pravda furent des putes ! Il y en avait une qui était magnifique... Comment s’appelait-t-elle déjà ? Ah oui : « Nathalie-en-noir » ! Elle en a rendu dingues plusieurs ! C’était un quartier très vivant, avec les maraîchers, les imprimeurs... Je vois encore Guy travailler ses planches à même le sol. Il y avait toujours du monde qui passait nous voir... On ne peut pas dire que c’était une œuvre enfantée dans le recueillement !

 Pourquoi avoir donné à votre héroïne le physique de Françoise Hardy ?

C’est Peellaert qui le voulait. Mais on en a fait quelqu’un de plus... dynamique. D’où la moto-panthère.

 Ce nom formidable « Pravda la Survireuse », comment est-il né ?

Guy voulait un quelque chose qui exprime « la vérité de notre époque », donc j’ai proposé « Pravda ». « Survireuse » vient d’une publicité d'alors qui vantait les mérites « survirants » de certaines voitures...

Comment Henri Chapier s'est-il retrouvé à préfacer le livre ?

Ah ça... je ne sais plus trop. Je crois que c'était une idée à Losfeld (l'éditeur).

Aviez-vous conscience de créer une BD culte ?

Pas du tout ! On s’amusait, c’est tout ! Pravda n’était pas le produit d’un processus laborieux. D’ailleurs la BD contemporaine ne m’intéresse pas... On y sent tellement d’efforts ! Nous, nous voulions juste fixer un état mythique de l’Amérique. Nous amuser avec nos références. De la même façon, quand quelques années après j’ai réalisé Les Zozos, en souhaitant relaterun état de l’adolescence dans le monde des années cinquante, les touts débuts de la mixité, mon expérience personnelle... Je ne m’attendais pas à ce que ça fasse deux millions d’entrées. Personne ne s’y attendait. Avant j’étais dans les bords... on ne me prenait pas trop au sérieux.

Propos recueillis au téléphone, le 17 décembre 2008.


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