J'ai pris beaucoup de retard, et me voici à liquider, si j'ose dire, mes lectures du bout de l'an. Pas beaucoup de romans, vous le constatez, mais des essais. Il faudrait bien que je réfléchisse à ce fait : la fiction, j'en ai toute une pile qui m'attend, ne m'attire pas. J'avoue que j'ai des « périodes », que de la musique de chambre, que du clavecin... sans doute la même chose du côté des livres.
Bref, revenons à notre propos, il n'est pas sage de le commencer par une digression.
Onfray est-il passé de Grasset à Flammarion, ou s'agit-il d'un cas isolé ? Je pourrais prendre quelques minutes sur le web et trouver la réponse, mais, à dire vrai, pour le lecteur, ce fait divers éditorial a-t-il la moindre importance ?
Beau livre, et bref, en tout état de cause illustrant, fort bien, le souhait de l'auteur de nous voir sortir d'une sexualité coupable et souffrante héritée de la religion chrétienne et fondée sur l'adoration, singulier paradoxe, du cadavre d'un dieu au corps qui n'existe pas. Et par la suite, toujours selon lui, les Lumières n'ont pas jeté un nouvel éclairage sur la sexualité, qui ont amené au nihilisme de Sade et Battaille, qu'il analyse brillamment, dont le propre est le mépris des femmes (ne pas dire de la Femme), la haine de la chair, le dégoût des corps, bref prolonge, mais sans dieu, l'obscurantisme chrétien.
Il nous invite au voyage en Inde et à une véritable lecture du Kâma-sûtra, non point un recueil de positions, mais chemin vers la construction d'un corps radieux dans un érotisme solaire -- on notera au passage l'importance de cet adjectif dans l'oeuvre d'Onfray.
Le lecteur qui suit ma périgrination littéraire sait l'influence qu'a sur moi la philosophie d'Onfray, c'est donc en toute subjectivité que je lui recommande ce livre. J'ai trouvé piquant qu'il arrive en libraire tout juste avant Noël, date de la commémoration marchande de la naissance de ce dieu sans sexe... Et je prends toujours autant de plaisir à retrouver son style, sa parole. Même s'il pourra étonner le lecteur moins familier avec la philosophie d'Onfray, ce livre expose le programme « sexualité » de celui-ci en une sorte de manuel -- notre monde est si friand des How to... -- ou plutôt un anti-manuel d'introduction à la pensée si originale du philosophe hédoniste.
Sa conclusion, une éthique de vie :
« Cet ouvrage invite à la construction sexuelle de soi à partir d'un matériau inédit : l'unicité de chacun. L'invention d'une sensualité, la fabrication d'une volupté, la confection d'un plaisir, la création d'une joie ne relèvent d'aucun projet communautaire ou global, collectif ou général, religieux ou politique, mais d'un vouloir propre. Pindare, qui formulait déjà la sublime invitation « deviens ce que tu es »ajoutait dans le même poème, les Odes pythiques : « N'aspire pas, ô mon âme, à la vie éternelle, mais épuise le champ des possibles. » La vie n'y suffira pas, mais au moins aura-t-elle été digne de ce nom. »