(Pour faire défiler les poésies jour après jour,
cliquer sur les flèches de navigation)
QUE CE LIEU POUR RESTER
(EXTRAIT)
Finalement
tu réduis tout
à presque rien
rien cette poudre qui reste
sur les doigts
ce grand savoir dressant dans ton cerveau
ses murs de cave
tu as
de moins en moins besoin
de ce gros projecteur des livres
de coller à la lumière enfin tranquille de cet arbre
sans nom sans âge
le poids voulu d’une forêt
le brun verdâtre de ses fruits
tu fuis
l’étroite nomenclature des choses du passé
dont tu ne cherches pas à fixer les lignes chiffonnées
rapetasser
tout l’être épars
pour en sentir juste l’approche
impalpable sans mots
*
Ainsi
tu n’auras pas à dire
qui tu es
à préciser
qui te manquait ce jour-là à cette heure
tu n’auras pas à dire
s’il s’agissait d’une soirée pluvieuse
où tu avais trop bu
si tu lisais sans voir un poète chinois …
tu n’as plus de mémoire pour ces choses
qui se mêlent pourtant en toi comme toutes les autres
qui font parfois semblant de te connaître
et puis t’éclairent
au fond
sont ta lanterne sourde
*
Voilà
que tu es devenu poreux
ta vie
ton corps
bien près d’éclore
un demi-siècle
que tu es cette chose vivante
à son tour
sur la terre
et ne sait pas toujours quoi
t’emplit
te contient
dont tu parais soudain voûté
craintif
un ton plus bas
et cependant tu sens montant la simple côte
en faisant rouler la pierre
que quelque chose
est là
pour toi
impossible
à dilapider
*
Car
on t’attend quelque part
dans l’enfoui
comme autrefois
tu te souviens
de cette vie profonde sous la pile des linges
que tout était par devant
bien plié le journal sur la table
puis la table dans le jardin
avec du ciel
mais dans un fouillis débonnaire
d’odeurs et de regards
et de sœurs probes qui caressent
aujourd’hui tous ces vivants
jamais rejoints
sont-ils toujours de ta famille
pris ici dans les mots
n’ayant que ce lieu
pour rester
*
Rester
serait-ce donc assez pour eux
de feux
de nœuds
puis d’attirances
d’exacte séduction
ces cœurs d’autrefois qui débordaient d’attentes
le cœur est une roue tournant trop vite sur la route
la vie après qu’elle est passée
la vie
n’a plus assez
de vie
[...]
Georges Guillain, janvier 2000
© Georges Guillain, 2009
GEORGES GUILLAIN
Voir aussi :
- (sur Poezibao) une fiche bio-bibliographique sur Georges Guillain ;
- (sur le site des Découvreurs de Poésie) une autre fiche bio-bibliographique.
Retour au répertoire de janvier 2009
Retour à l' index des auteurs