Ne croyez pas que j’envisage de rendre ma carte du Parti socialiste pour prendre celle du Modem ! Il m’est arrivé de critiquer François Bayrou sans ménagements. Exactement de la même manière que je peux critiquer des dirigeants socialistes quand leurs actes ou prises de position sont contraires à mes convictions. Je n’ai donc pas peur de dire que je considère François Bayrou comme un «honnête homme», fidèle à ses convictions.
Et comme je pense n’avoir point d’œillères partisanes - lesquelles ne sont jamais signe d’intelligence ! - il m’arrive parfois de saluer comme elles le méritent des prises de position ou des actions émanant de personnes de droite.
Or donc, en lisant à l’instant l’interview donnée au Monde par François Bayrou, il se trouve que je suis totalement d’accord avec tous les points qu’il développe :
la critique des mesures économiques prises par Nicolas Sarkozy et le gouvernement face à la crise,
la conception du pouvoir – personnel ! – du Chef de l’Etat qui se mêle de tout, dans une perspective très partisane, comme en témoigne son intervention à la réunion du Conseil national de l’UMP – dont il a concocté la liste des dirigeants !
et bien évidemment la formidable régression en matière de libertés, qu’elles fussent législatives – le muselle-ment de l’opposition – ou celles des citoyens. Et, parmi celles-ci la suppression du juge d’instruction qui entraînera de facto la main-mise de l’exécutif – par le biais des procureurs – sur le judiciaire, au détriment du principe – constitutionnel - de séparation des pouvoirs que nous devons à Montesquieu.
Que François Bayrou soit très ferme sur les questions relatives à l’exercice de la démocratie et aux libertés n’est pas une nouveauté pour moi. Je dirais même que s’il a fluctué sur d’autres sujets, il est toujours resté intangible à cet égard.
Je suis nettement plus étonnée en lisant ses critiques de la gestion de la crise par Sarkozy & Fillon et les contre-propositions qu’il fait. Je m’aperçois que je partage grosso modo son analyse.
«On n’arrête pas de sortir des dizaines de milliards pour les banques, mais sans exiger les contreparties qui s’imposent. Encore hier, on a annoncé qu’elles allaient recevoir 5 milliards, fléchés vers Airbus.
L’Etat ne peut mobiliser ces sommes astronomiques sans prendre, en contrepartie, les sièges au conseil d’administration qui doivent lui permettre d’exercer sa part de la gouvernance des établissements, de se faire entendre aussi bien pour la rémunération des dirigeants que pour le soutien au crédit. Il existe d’ailleurs, je crois, une disposition législative, en date de 1935, qui oblige l’Etat lorsqu’il atteint 10% des fonds propres d’une banque à nommer au moins deux administrateurs»…
Sur cette question, je ne peux que partager l’opinion de François Bayrou !
En effet, cela m’avait vraiment troué le cul pendant mes vacances de lire sur Le Monde que le gouvernement n’avait pas exigé d’entrer dans le capital des banques en contre partie de ces sommes astronomiques. C’est le seul moyen de siéger aux Conseils d’administration et d’y avoir quelque influence sur les décisions prises en qualité d’actionnaire certes minoritaire mais non moins influent.
Si vous n’en voulez qu’une preuve, il suffit de penser à toutes les rodomontades émises par Nicolas Sarkozy, Christine Lagarde ou Luc Châtel au sujet des «bonus» auxquels les dirigeants des banques n’entendaient nullement renoncer ! Si les dirigeants de la BNP l’ont fait – préventivement – c’est sans nul doute qu’ils savaient qu’ils présenteraient un bilan en demi-teinte : certes, 3 milliards de bénéfices mais une perte de 1,4 milliards pour le seul 4ème trimestre 2008.
Je suis encore plus en colère quand, faisant une recherche sur Wikio, je lis que, selon Les Echos, Christine Lagarde - tout en envisageant de prendre 20 % dans le capital de BNP-Paribas - confirme que l’Etat ne demandera pas la nomination d’un administrateur au Conseil d’administration !
Et c’est surtout la justification qu’elle invoque qui augmente encore davantage mon courroux : “Si détenant 20% du capital, est-ce que l’Etat demandera ou non la présence d’administrateurs au conseil d’administration, c’est une autre histoire” (…) “Aujourd’hui, je ne peux vous répondre : tout dépendra de ce que la direction déterminera”.
Par “direction”, il faut bien entendu entre celle de BNP-Paribas !…
MERDALOR ! Le pouvoir – qui fournit le flouze ! – à la botte des dirigeants de BNP-Paribas… Il y a vraiment quelque chose de pourri au royaume de France !
C’est tout à fait ça, le “moins d’Etat” de Nicolas Sarkozy et tous les ultra-libéraux… Un pouvoir-croupion à la solde du grand capital. Dont la seule mission serait désormais de collecter les fonds pour leur apporter sur un plateau. Et pour ce faire, on vide les poches du vulgum pecus, ce qui explique qu’il faille être si dur et féroce, insoucieux des difficultés et clamer que “les réformes doivent être poursuivies et appronfondies”.
Nous n’avons plus de dirigeants politiques mais de simples valets aux ordres. Il ne leur demeure que l’apparence et les avantages divers du pouvoir. Depuis l’aube de la IIIè République, quand les chefs d’industrie et banquiers - les Casimir Perrier, Freyssinet et autres Laffittes - étaient ministres, nous n’avons pas connu pareil cas d’inféodation du pouvoir politique.
Une palinodie supplémentaire de Nicolas Sarkozy : il y a peu, il interdisait véhémentement aux banques «assistées» par les deniers publics de verser des dividendes à leurs actionnaires… C’est bien entendu logique : si une banque manque de fonds et qu’on lui prêtât de l’argent, ce n’est très certainement pas pour le reverser immédiatement aux actionnaires mais bien évidemment pour augmenter ces fonds propres.
Or, je lis un très intéressant article de Libération dans la rubrique désintox dont je ne peux que recommander la lecture le plus souvent fort instructive que Luc Chatel – interrogé sur BFM-TV - vient d’être pris en flagrant délit de mensonge précisément au sujet des dividendes… A la question de savoir si les actionnaires percevraient des dividendes, il a répondu par la négative, développant les habituels arguments – une belle citerne de lait d’beu !Or, nous dit Libé, la réalité est toute différente ! Le 15 janvier, Nicolas Sarkozy avait effectivement placé l’interdiction de verser des dividendes - au même titre que les bonus – comme une des contreparties exigées pour le versement des dizaines de milliards aux banques.
Or, le gouvernement – et donc Nicolas Sarkozy qui pilote tout – a depuis changé son fusil d’épaule. La formulation de Bercy est un petit chef d’œuvre de flou artistique peu contraignant pour les banquiers : “la priorité sera accordée par les banques au renforcement de leurs fonds propres dans l’affectation des résultats 2008″. Aucune interdiction formelle du versement de dividendes !
De surcroît, comme le soulignait un banquier le 22 janvier 2009 : “Le gouvernement a ajusté son discours. Il a compris que ce n’était pas dans l’intérêt de la France de dire “zéro dividende”. Cela aurait été très mal perçu par les actionnaires”. !
Comme ironise Libé : «Visiblement, le gouvernement a aussi compris que ce n’était pas dans son intérêt d’aviser les Français de l’ “ajustement” de son discours». Mais rien de bien surprenant : dans la droite ligne de la Constante de Sarkozy : un scandale par semaine, un mensonge par jour… Sans nul doute Nicolas Sarkozy est-il atteint “d’amnésie rétrograde” : il oublie immédiatement ce qu’il vient de promettre !
Or donc, cela signifierait que - malgré tout - les banques ont fait des bénéfices… Pourquoi alors, leur avoir prêté autant de flouze ? Il y a quelque chose qui m’échappe : on se fout totalement de notre gueule !
A l’heure où les salariés s’apprêtent à exprimer massivement leur colère dans la rue ou, pour le moins, éprouvent une sympathie pour les grévistes à défaut de pouvoir se joindre à eux, je vois quelque chose de terriblement malséant à leur refuser les moindres aides qui leur permettraient de passer ce cap difficile pour ceux qui ont perdu, perdent ou perdront leur emploi et tous ceux dont le pouvoir d’achat est tombé dans les chaussettes.
Enfin, je suis tombée sur une petite «perle» en lisant sur Libé-Orléans, l’article de Mourad Guichard consacré au déplacement de Nicolas Sarkozy à Châteauroux… J’y ai appris une chose proprement monstrueuse, à savoir que le contrat de transition professionnelle – dont j’avais parlé au sujet de «l’accord bidon» entre le Medef et les syndicats – signé uniquement par la CFDT ! – comporte une clause absolument intolérable !
En effet, si le CTP permet au salarié de garder 80% de son salaire brut pendant un an, parallèlement à une aide renforcée à la recherche d’emploi ou à la reconversion, en contrepartie - non négligeable, souligne Mourad Guichard ! - le salarié doit renoncer à ses indemnités de licenciement !
Ô le beau piège à cons ! Il fallait vraiment la droite la plus dure pour imaginer cela…
C’est l’illustration parfaite du “privatiser les profits, nationaliser les pertes”… A l’Etat l’indemnisation, et les entreprises n’ont pas à payer les primes de licenciement - légales ! Gageons qu’elles licencieront prioritairement les salariés qui auront le plus d’ancienneté puisque la prime est proportionnelle au temps passé dans l’entreprise… Les vieux à la casse !
Dans quelle mesure une telle disposition – qui vise à supprimer un droit inscrit dans le Code du travail, et donc la loi - est-elle légale ?
SOURCES
M. Bayrou : “Les atteintes aux libertés se multiplient de façon inquiétante”LE MONDE | 27.01.09 © Nicolas Sarkozy exige que les banques limitent dividendes et bonus
LE MONDE | 16.01.09 ©
Les Echos
BNP Paribas : l’Etat ne demandera pas la nomination d’un représentant au conseil d’administration
Libération
Un Sarkozy bancal sur l’aide aux banques
Christine Lagarde conditionne l’aide aux banques
Sans tabou
Luc Chatel en flagrant délit de mensonge sur les dividendes
Libé-Orléans
Nicolas Sarkozy aux grévistes: «je ne peux pas arrêter le mouvement des réformes»