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Sportifs, je vous aime moi non plus

Publié le 19 août 2007 par Alain Hubler

Karel NovyLe sport et les sportifs : un sujet qui déchaîne des passions.
Tous des dopés.
L’idéal olympique ? De la foutaise. Pognon, pouvoir et compagnie.
C’est possible. Il y a du vrai, mais il y a aussi du faux et il y a au moins un sportif qui n’est pas de ce bois-là.
À l’heure où beaucoup crachent sur la Grande Boucle à cause des histoires que l’on sait, après s’être prosternés devant le succès suisse et financier (?) d’Alinghi dans la Coupe de l’America – au fait, ils subissent des contrôles anti-dopage ceux-là –, je vous ressors des entrailles de mon ordinateur une interview d’un nageur de l’équipe suisse: Karel Novy.

Je le connais bien pour des raisons professionnelles, il parle de politique, de sport et de dopage. Dans sa carrière qui commence à être assez longue, il a effacé des tabelles de record des Volery, Halsall. Même si l’interview date de 2000, je vous la livre ici, elle a encore toute sa valeur.

Karel Novy, nageur veveysan d’origine tchèque de 19 ans, est entré « top ten » mondial de la discipline reine qu’est le 100 m libre. Après avoir effacé Stéphane Volery des tables de records, il est l’une des cartes maîtresses de l’équipe suisse de natation qui se rendra aux JO de Sydney. Ce grand gaillard, simple, engageant et ouvert répond à nos questions au bord du bassin de la piscine de Vevey où ont eu lieu, début août, les Championnats suisses d’été.

Il n’y a pas si longtemps vous étiez encore tchèque. Vous voilà maintenant naturalisé. La natation a-t-elle été pour vous un facteur d’intégration ?

Oui, la natation a été un facteur d’intégration pour moi. J’ai été naturalisé en 1997 pour représenter la Suisse en 1998 aux Championnats d’Europe juniors. C’était intéressant pour la Suisse d’avoir un bon nageur. J’y ai obtenu une médaille d’argent. Mais je sais que d’autres jeunes ont plus de problèmes que moi à obtenir leur passeport rouge à croix blanche. En fait je ne me suis jamais posé la question de mon intégration. Je me sens suisse et les autres aussi.

On va voter le 24 septembre sur une initiative limitant le nombre d’étrangers à 18 %. Avec un tel article de loi, la Suisse aurait peut-être dû se passer de vos services …

C’est une loi stupide. Les étrangers peuvent apporter beaucoup à un pays, que ce soit avec leur cerveau ou leurs muscles … De toute façon, la Suisse est composée à la base d’étrangers. Je suis pour le métissage et le mélange des populations. Même si le sport excite parfois le nationalisme, il ne faut pas oublier que souvent les équipes nationales sont très métissées. Par exemple, l’équipe suisse de natation est composée à 70% de nageurs ayant des origines étrangères. Alors le nationalisme …

Le Département de la défense, de la protection des populations et des sports, dirigé par Adolf Ogi, entend promouvoir, grâce au sport, la volonté de performance, la loyauté et l’intégration sociale. En tant que sportif de haut niveau, comment comprenez-vous ces intentions ?

Le sport est une bonne école de vie, car on apprend à se fixer des objectifs et à travailler pour les atteindre. S’entraîner entre 22 et 25 heures et nager plus de 50 kilomètres par semaine développe la volonté. Mais je ne suis pas sûr que le sport soit le seul moyen d’arriver à cela. Et je suis conscient que ce n’est pas donné à tout le monde d’être aussi dur avec soi-même.

Vous avez fait un apprentissage de laborant doublé d’une maturité professionnelle technique. Avez-vous bénéficié de facilités ?

Pas vraiment, j’ai eu de la chance d’avoir un patron qui aimait le sport et qui me donnait quelques jours de vacances de plus pour pouvoir participer à des compétitions. Mon apprentissage n’a pas toujours été facile, j’ai eu des problèmes de récupération. En se levant à cinq heures du matin pour aller s’entraîner avant une journée d’école ou de travail, on n’a plus le temps de dormir. Si j’avais pu répartir ma formation professionnelle sur une plus longue période cela aurait été préférable.

Vous allez partir l’an prochain poursuivre des études aux USA. Pourquoi est-ce que cela sera plus facile là-bas ?

A partir d’un certain niveau, les universités américaines nous offrent des bourses de quatre ans permettant de se loger, d’étudier et de s’entraîner dans de bonnes conditions. Elles mettent à disposition des entraîneurs et des structures que même l’équipe suisse ne peut offrir. Leur motivation : le championnat universitaire, très important aux USA. Un bon classement est synonyme de bonne réputation pour ces universités essentiellement privées. Elles se livrent une concurrence acharnée. C’est une forme de capitalisme … En Suisse, c’est pratiquement impossible de nager à mon niveau et d’étudier en même temps, sauf en redoublant chaque année. Mais mes parents n’en auraient pas les moyens.

Vous sentez-vous reconnu en Suisse ?

Pas vraiment, on a toutes les peines à trouver des sponsors en dehors des particuliers qui aiment le sport. C’est du mécénat et ce ne sont pas de grosses sommes. Il me semble qu’en Suisse l’art est mieux reconnu que le sport. Pour les suisses, le sport reste un loisir, il n’est pas reconnu comme une profession à part entière.

Depuis quelques jours, le CIO a homologué un test de dépistage de l’EPO.

Ce test ne permet que de détecter si le sportif a pris de l’EPO dans les trois jours précédents … Je ne pense pas qu’ils soient assez bêtes pour continuer à en prendre pendant ces trois jours !! Pour ma part je suis favorable à la multiplication des tests en tout genre afin de rendre le sport le plus propre possible. Plus on en attrape, mieux c’est ! C’est une question de crédibilité, la performance doit être humaine et pas chimique.

Estimez-vous que ce test permettra de « garantir » des performances humaines et non pas chimiques?

Non, il faut faire des tests inopinés tout le temps. En effet, la plupart des sportifs se dopent surtout pour résister à la charge de travail due à l’entraînement. C’est à ce moment qu’il faut pratiquer les tests. De toute façon, il n’existe pas de test pour l’hormone de croissance par exemple et les dopés auront toujours une longueur d’avance … Au-delà des plaisanteries que l’on me fait sur mon métier (laborant en chimie) en relation avec le dopage, je serais intéressé par une reconversion dans le domaine de la lutte anti-dopage! On a un institut très performant à Lausanne.

Vous êtes-vous dopé ou avez-vous été tenté de le faire.

Je n’ai jamais été tenté de le faire et j’ai été « dopé » sous contrôle médical par des injections de cortisone en raison d’une inflammation de l’épaule. On ne m’a d’ailleurs jamais rien proposé et de toute façon j’aurais refusé.

Il a fallu que plusieurs suisses atteignent un niveau mondial pour que les médias s’intéressent à la natation. Est-ce que cet intérêt soudain a modifié votre vision du sport ?

Non. Les médias s’intéressent à moi et à la natation en général depuis les Championnats d’Europe de Lisbonne en 1999 (médaille de bronze). Avant c’était le calme plat. Je trouve cela un peu « faux-cul ». Par contre j’aime le contact avec les journalistes, c’est la plupart du temps sympa et j’aime bien que l’on me demande mon avis !

Le programme du Parti suisse du travail prévoit la promotion du sport amateur et sa soustraction au monde du fric et du dopage. Comment pensez-vous que cela soit réalisable ?

Cela me paraît impossible. A partir d’un certain niveau il y a trop d’argent en jeu. Il y a des grosses entreprises, des droits, des enjeux publicitaires… Tout cela est trop imbriqué. Quant à moi, tout ce que je demande, c’est de pouvoir simplement vivre normalement de mon sport.


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