Le Père Guézou n'est certainement pas une de ces figures marquantes de Hi-Tech, le visionnaire qui aurait démarré une startup devenue millionnaire ou qui serait le point de départ d'une innovation majeure de l'internet... Ce n'est pas un personnage du IT... C'est un personnage tout court. Ce prêtre d'origine bretonne, il fallait bien qu'il tienne sa pugnacité de quelque part, oeuvrait en Inde depuis 50 ans. Quand il escalade la montagne de Yelagiri, dans le Tamil Nadu, à mi-chemin de Chennai et Bangalore, encore un présage, le Père Guézou porte une table sur le dos, il faut bien pouvoir célébrer la messe une fois là-haut, et croise ours et panthères. Son but? Pas seulement porter la Bonne Nouvelle, sa venue en est déjà une, mais il vient pour réaliser sa vision, convaincu qu'il est que l'éducation sera le moteur pour éradiquer ou au moins lutter contre la misère.
Commençant par de modestes écoles pour apporter les enseignements rudimentaires, l'institut est monté en compétence au fil des années, et abrite maintenant un excellent institut tecnologique qui a su attraper au vol l'opportunité du boom IT. C'est ainsi que des milliers de jeunes parmi les plus exclus ont pu faire des études en Inde du Sud.
J'ai eu le privillège de rencontrer le Père Guézou en septembre. Un homme accompli et qui pouvait être fier de son travail, mais il en parlait avec modestie. Je l'ai connu par l'intermédiaire d'Anand, un jeune issu d'une famille pauvre du Sud, qui a pu grace à l'institut suivre de vraies études et une formation solide pour devenir développeur et travailler avec l'un de mes partenaires à Chennai. Cet institut a développé également une junior entreprise dans laquelle évoluent durant deux années au plus, les étudiants fraîchement diplômés. Je leur ai confié quelques petits projets et je dois reconnaitre qu'ils ont été menés dans de très bonnes conditions et des délais qui m'ont vraiment étonné. Quand on est habitué à travailler en Inde, on ne peut être qu'agréablement surpris par de tels résultats qui plus est, obtenus sans forcer.
Alors que l'IT indien est touché de plein fouet par la crise, 80% de ses revenus dépendent des Etats-Unis, subit de sévères contre-coups internes (Le scandale Satyam d'abord, la chasse ouverte aux CV truqués), cet institut démontre l'importance de l'éthique et de la qualité que l'on doit donner aux formations.
Le Père Guézou qui nous quitte n'était pas un génie de l'informatique, ni un visionnaire du web 2, mais il peut nous rappeler, dans une période aussi trouble, que pour être au service de l'Homme, il est indispensable de mener ses entreprises et projets dans le véritable but de l'élever et non de l'exploiter.