Le conflit à Gaza vu de France : des communautés sous tension mais la neutralité de la majorité des Français

Publié le 29 janvier 2009 par Cahier

On vient d’assister, en France, pendant plusieurs semaines à des défilés de manifestants défendant chacun des camps ennemis. Tandis que les uns scandaient « Israël, assassin », les autres marchaient pour soutenir « l’action d’auto-défense d’Israël » et célébrer « la mémoire des victimes israéliennes du Hamas ».

La montée des tensions judéo-musulmanes inquiète les Français

Aussi, une fois de plus, la tempête au Proche-Orient a essaimé jusque sur notre sol. Les actes antisémites ou parfois antimusulmans ont proliféré en France, - et pas seulement dans la petite couronne parisienne - preuve de l’exacerbation des tensions latentes entre juifs et musulmans. Et, même si on peut imaginer que les journalistes ont focalisé leur attention sur ces incidents dans cette période particulière, il apparaît indéniable, au regard de l’émotion émanant des manifestations des deux communautés, que de réelles solidarités se sont tissées entre les communautés et chacun des protagonistes du conflit.

La très forte médiatisation du conflit (qui faisait régulièrement l’ouverture des journaux télévisés et la Une de la presse) et de ses conséquences en France a diffusé un sentiment d’inquiétude au sein de la population française. Selon un sondage LH2, 64 % des Français se sont déclarés inquiets (dont 19 % très inquiets) des répercussions que le conflit pourrait avoir sur les relations entre les communautés juive et musulmane. Les femmes, les personnes âgées et les habitants de l’agglomération parisienne constituent les franges de la population les plus préoccupées.

L’incapacité des Français à se prononcer sur les causes d’un tel conflit

Si les Français ont semblé attentifs au conflit et à ses conséquences en France, ils se montrent pourtant particulièrement hésitants pour désigner un responsable du conflit lui-même. L’institut CSA a réalisé les 7 et 8 janvier un sondage sur la question de la responsabilité du conflit : qui du Hamas ou du gouvernement israélien la porte principalement sur ses épaules ? Ce qui ressort des réponses, c’est avant tout la difficulté qu’ont les Français à se positionner par rapport aux événements - et cela alors que les médias les matraquaient d’images et de chiffres sur le nombre des victimes. 31 %, soit près du tiers des interviewés, ne se prononce pas sur la question de savoir qui, du gouvernement israélien ou du Hamas, porte la principale responsabilité du conflit. Pour comparer avec une autre actualité internationale, les Français n’étaient que 2 % à ne pas se prononcer sur la question les espoirs suscités par l’intronisation de Barak Obama (sondage CSA réalisé les 14 et 15 janvier). Ainsi, les événements du Proche-Orient, aussi médiatisées ont-t-ils été, revêtent une complexité telle que ses enjeux sont devenus incompréhensibles pour une large part de la population française. Une forte segmentation sexuelle se dessine puisque les femmes sont 40 % à ne pas donner d’opinion, soit presque deux fois plus que les hommes ! Mais il est vrai que, traditionnellement sur de tels sujets de politique internationale, la gente féminine refuse davantage que ses collègues masculins à émettre une opinion.

Le Hamas, timidement désigné comme le responsable du conflit

Ensuite, 28 % des interviewés acceptent de répondre mais ne se « mouillent pas » sur la désignation de l’acteur portant la responsabilité du déclenchement des hostilités : ils estiment que les torts sont également partagés. Au final, les personnes prenant véritablement position sont minoritaires (41 %), sauf parmi les jeunes de moins de 30 ans (50%), plus enclins à donner une opinion partiale.

Enfin, la minorité des sondés désignant un responsable pointe davantage du doigt le Hamas (23 %), que le gouvernement de l’Etat hébreux (18%). Ainsi, alors que les médias relayaient sans cesse les images de populations civiles palestiniennes durement touchées par les actions de Tsahal, les Français ont plutôt accusé le Hamas. Les sympathisants de gauche sont plus nombreux que ceux de droite à accuser le gouvernement israélien (24 % contre 15 %).

A titre de comparaison, les Français se montraient beaucoup plus critiques à l’égard du gouvernement israélien en 2000, après le début de la seconde Intifada : 30 % d’entre eux désignaient le gouvernement israélien comme principal responsable des violents affrontements, contre 8% l’Autorité palestinienne. A l’époque, dans un contexte tendu par l’incapacité à s’entendre sur le statut de l’Esplanade des mosquées et du Mont du temple, les violences avaient éclaté après qu’Ariel Sharon eut fait une visite sur ces mêmes lieux litigieux.

Ainsi, l’opinion publique fait une nette distinction entre l’Autorité palestinienne et le Hamas, cette dernière figurant sur la liste des organisations terroristes. Par ailleurs, l’image du gouvernement israélien, qu’on aurait pu croire considérablement ternie par les semaines de combats qu’il a menés, ne semble pas avoir été si détériorée.