CJCE, Arrêt du 27 janvier 2009, C-318/07, Persche.
Un arrêt qui intéressera toutes les âmes généreuses de l'Union européenne!
M. Persche, citoyen allemand, a fait un don (en nature) d'environ 18000€ à une association caritative portugaise. Il entend bénéficier des dispositions fiscales allemandes qui prévoient une déductibilité de tels dons. Ceci lui est refusé au motif que ces dispositions ne valent qu'à l'égard d'ASBL situées sur le territoire de la République fédérale et que M. Persche n'avait pas fourni une attestation du don conforme aux prescrits du droit allemand (mais, et cette remarque est importante, suffisante au regard du droit portugais).Plusieurs questions préjudicielles sont donc posées à la Cour de Justice sur l'interprétation à donner des articles du Traité relatif à la libre circulation des capitaux (articles 56 CE et s.).
La première questionest la suivante: des dons en nature entrent-ils dans le champ d'application des articles du Traité relatifs à la libre cicrulation des capitaux? La Cour considère que c'est bien le cas. Le Traité étant muet sur la définition de la notion de "capitaux", elle se réfère à la nomenclature établie dans la directive 88/361, et plus précisément à ses dispositions relatives aux legs et donations pour en déduire qu'il n’y a pas lieu de distinguer entre les opérations effectuées en espèces et celles faites en nature.
La seconde question demande, en substance, si l’article 56 CE s’oppose à une législation d’un État membre qui n’accorde le bénéfice de la déduction fiscale qu’aux dons effectués en faveur d’organismes d’intérêt général établis sur le territoire national, compte tenu du fait que les autorités fiscales dudit État membre doivent pouvoir vérifier les déclarations du contribuable et ne sauraient être obligées d’agir en violation du principe de proportionnalité.
Bien entendu, la Commission européenne et les Etats membres intervenants dans cette affaire divergent radicalement sur l'interprétation à donner à l'article 56 CE. Si la première considère que cette législation viole le prescrit de l'article 56 CE, les seconds considèrent qu'elle est justifiée eu égard l'objectifde sauvegarde de l'effectivité des contrôles fiscaux.
La Cour quant à elle va suivre l'interprétation de son Avocat général. Elle relève, un peu cyniquement avouons-le, "que la possibilité d’obtenir une déduction fiscale est susceptible d’influer de façon significative sur l’attitude du donateur, la non-déductibilité en Allemagne des dons versés à des organismes reconnus d’intérêt général lorsqu’ils sont établis dans d’autres États membres est de nature à affecter la disponibilité des contribuables allemands à effectuer des dons à leur profit" (point 38). La législation allemande constitue donc une entrave à cette liberté.
Cette entrave peut être justifiée. toutefois, pour ce faire, elle doit subir un double test:
- Il faut que la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou qu’elle soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, telle que la nécessité de sauvegarder l’efficacité des contrôles fiscaux.
- La différence de traitement ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour que l’objectif poursuivi par la réglementation en cause soit atteint;
Sur la justiofication tirée de la sauvegard des contrôles fiscaux, la Cour en reconnait la necessité mais elle indique que "rien n’empêche les autorités fiscales de l’État membre d’imposition d’exiger d’un contribuable, souhaitant obtenir la déductibilité fiscale des dons effectués au bénéfice d’organismes établis dans un autre État membre, de fournir les justificatifs pertinents, cet État membre d’imposition ne saurait invoquer la nécessité de préserver l’efficacité des contrôles fiscaux pour justifier une réglementation nationale qui empêche de manière absolue le contribuable d’apporter de telles preuves" (point 60). En outre, les autorités fiscales concernées peuvent s’adresser, en vertu de la directive 77/799, aux autorités d’un autre État membre pour obtenir tout renseignement qui s’avère nécessaire à l’établissement correct de l’impôt d’un contribuable.
Dès lors, l’article 56 CE s’oppose à une législation d’un État membre en vertu de laquelle, en ce qui concerne les dons faits à des organismes reconnus d’intérêt général, le bénéfice de la déduction fiscale n’est accordé que par rapport aux dons effectués à des organismes établis sur le territoire national, sans possibilité aucune pour le contribuable de démontrer qu’un don versé à un organisme établi dans un autre État membre satisfait aux conditions imposées par ladite législation pour l’octroi d’un tel bénéfice.