Le contenu de ce séminaire comportait une partie consacrée aux fondements de cette ouverture : pourquoi le marché s’ouvre-t-il ? Quel est le cadre réglementaire en Suisse ? Puis une deuxième partie que l’on peut qualifier de plus pratique : quelles sont les règles du «jeu» ? Qui est concerné ? Quelles sont les prochaines étapes qui nous attendent d’ici 2014 ?
Un séminaire dense et de qualité que je ne saurais vous résumer ici, en quelques mots. Mais un séminaire fort utile pour un conseiller communal lambda qui est déjà, et sera encore concerné, par cette «ouverture». Et un billet qui me donne l’occasion de remercier Jean-Yves Pidoux, le municipal en charge des Services industriels d’avoir pensé à «déniaiser» ses commissaires des finances et de la gestion sur ce délicat sujet.
Je tiens cependant à aborder un ou deux points précis de cette après-midi.
Le premier : pourquoi, moins de deux ans après l’échec en votation populaire de la LME (Loi sur le marché de l’électricité), le Conseil fédéral met en chantier la LApEl (Loi sur l’approvisionnement en électricité) ?
Il y a plusieurs raisons à cela : la pression juridique créée par la Migros qui a fait des infidélités aux Entreprises électriques fribourgeoises (EEF) pour s’approvisionner chez Watt AG et qui a obtenu gain de cause devant les tribunaux est l’une d’elles. On ne remerciera jamais assez la coopérative orange de nous avoir foutu dans un tel merdier juste pour économiser quelques centimes en tournant le dos à son fournisseur «historique».
Une autre raison réside dans le fait que l’Europe, qui a ouvert complètement son marché le 1er janvier 2007, faisait, paraît-il, pression sur la petite Suisse perdue dans ce «libre marché». Là encore, je me demande si l’Europe n’est pas un alibi de rêve.
Le deuxième point : pourquoi, alors que la LME a été combattue avec vigueur et succès, tout le monde s’est-il écrasé devant la LApEl ? La raison est assez simple et est sortie directement de la bouche du municipal – vert – des SI : le Conseil fédéral a réussi à «relooker» sa LME en y ajoutant, notamment, une petite touche d’écologie. Sans doute histoire que le poids lourd écologiste syndic de Lausanne ne lui torpille pas son projet. Et ça a marché.
Cela étant dit, un dernier volet m’a particulièrement intéressé : l’effet sur les prix de la libéralisation en Europe. Le moins que l’on puisse dire est que cet effet est des plus modestes : les prix n’ont guère changés et ils restent en moyenne supérieurs à ceux qui sont pratiqués en Suisse. Ainsi, la concurrence «libre et non faussée» chère à nos libéraux n’aboutit pas à une baisse du prix de vente du précieux fluide. Et pourquoi donc ?
Tout simplement parce que la libéralisation implique la mise en place d’outils coûteux : une comptabilité analytique, une gestion des données de mesure complexe – histoire de savoir qui consomme le courant de qui – et une bonne dose de sacro-saint et très onéreux … marketing !
Chez P’tit gros l’électron est plus gros !
Ajoutez à cela que c’est en France que l’électricité est la moins chère en France alors les consommateurs «libérés» sont les plus fidèles à leur fournisseur – seulement 1 % d’infidélité - et que les Anglais, qui ont été quelque 25 % à le quitter, ont des prix supérieurs à ceux qui sont pratiqués en Suisse. Vous conclurez comme moi que la libéralisation des électrons n’est pas une cause assez noble pour être défendue, bien au contraire.
À moins que vous n’aimiez le jeu et le risque. En effet, si en 2014, dès que cela sera autorisé pour les petits consommateurs, vous quittez votre fournisseur historique pour gagner un franc par mois ailleurs, vous ne pourrez plus jamais le rejoindre pour bénéficier d’une électricité «à des normes de qualité reconnues et à des tarifs équitables.» (Art. 7 de la LApEl)
Faudra pas venir pleurnicher, vous aurez été avertis. Mais pour l’extension de la libéralisation aux petits cons ommateurs, le référendum est toujours possible. Des volontaires ?
- Crédit image : photo de l’Usine hydroélectrique de Lavey empruntée frivolement à www.lausanne.ch