Morceaux de phosphore blanc encore incandescents trouvés dans la ville de Gaza. © Amnesty International
Douilles d’obus au phosphore trouvées à Khuzna, dans la bande de Gaza, le 24 janvier 2009.
© Amnesty / 26 janvier 2009
Les autorités israéliennes sont vivement encouragées à révéler la nature des armes et des munitions utilisées par leurs forces armées au cours de l'opération militaire menée à Gaza, qui a débuté le 27 décembre et s'est poursuivie durant trois semaines.Amnesty International a réclamé ces informations afin que les équipes médicales soient mieux à même de soigner les victimes du conflit, qui s'est achevé par un cessez-le-feu décrété par Israël le 18 janvier.
Israël ayant initialement refusé de révéler, puis de confirmer, que ses soldats avaient utilisé du phosphore blanc, les médecins n'ont pas pu prodiguer les soins appropriés aux personnes souffrant de brûlures provoquées par cette substance.
« Nous savons maintenant que des munitions au phosphore blanc ont été utilisées dans des zones urbaines civiles, même si les autorités israéliennes l'ont d'abord nié, a déclaré Donatella Rovera, qui dirige l'équipe d'enquête d'Amnesty International à Gaza. Nous disposons désormais de preuves irréfutables de l'emploi de cette substance, mais les médecins qui ont soigné les premiers blessés ignoraient ce qui avait causé leurs brûlures. »
Près de 1 300 Palestiniens ont été tués au cours de l'offensive. Parmi ces victimes, on compte plus de 400 enfants et plus de 100 femmes. Plus de 5 300 Palestiniens ont été blessés, et beaucoup resteront handicapés à vie.
« Les responsables israéliens ont affirmé à maintes reprises que leur opération militaire visait le Hamas et non la population de Gaza. Rien ne peut justifier le fait qu'ils continuent de dissimuler des informations sans lesquelles on ne peut soigner efficacement les personnes blessées lors de cette offensive. L'attitude peu coopérative d'Israël entraîne des morts et des souffrances inutiles, a ajouté Donatella Rovera.
« Les autorités israéliennes doivent faire en sorte que les blessés bénéficient sans délai de soins appropriés et, pour s'acquitter de cette obligation, elles doivent fournir des informations complètes sur les armes et les munitions utilisées à Gaza, ainsi que tout autre renseignement susceptible d'aider les équipes médicales. »
D'autres victimes du conflit souffrent de blessures que les médecins ont des difficultés à soigner car ils ne sont pas certains de la nature des munitions qui en sont à l'origine. Certaines victimes des raids aériens israéliens ont eu des membres calcinés ou sectionnés. On ignore quelles armes ont pu provoquer de telles blessures.
« Il ne faut pas que d'autres personnes meurent parce que les médecins ne savent ni ce qui a causé leurs blessures ni quelles complications peuvent survenir, a indiqué Donatella Rovera. Les médecins doivent être pleinement informés afin de pouvoir sauver des vies. »
Les particules de phosphore blanc incrustées dans les chairs peuvent continuer à brûler, provoquant ainsi d'intenses douleurs à mesure que les brûlures s'étendent en largeur et en profondeur. Elles peuvent occasionner des dommages irréparables aux organes internes. Cette substance peut aussi contaminer d'autres parties du corps du patient, voire les professionnels qui soignent ses blessures.
L'état des personnes brûlées au phosphore blanc peut se détériorer rapidement. Même celles qui sont atteintes sur une surface relativement réduite – 10 à 15 % du corps – et devraient normalement survivre peuvent voir leur état s'aggraver, puis mourir.
« Nous avons observé des brûlures différentes de toutes celles que nous avions soignées auparavant, a expliqué à Amnesty International un médecin de l'hôpital Al Shifa (à Gaza), spécialiste du traitement des brûlés. Au bout de quelques heures, ces brûlures devenaient plus larges et plus profondes, elles dégageaient une odeur répugnante et de la fumée s'en échappait. »
Ce n'est que grâce à l'arrivée de plusieurs médecins étrangers dans la bande de Gaza, quelques jours après que les médecins locaux ont constaté les premiers cas de brûlures au phosphore blanc, que ces derniers ont appris la cause de ces lésions et la manière de les traiter.
Le 10 janvier à 20 heures, Samia Salman Al Manaya, une jeune fille de seize ans, était endormie chez elle dans le camp de réfugiés de Jabalia, au nord de la ville de Gaza, quand un obus au phosphore s'est abattu sur le premier étage de la maison.
Dix jours plus tard, dans son lit d'hôpital, elle a indiqué aux représentants d'Amnesty International que ses brûlures au visage et aux jambes étaient encore extrêmement douloureuses. « C'est une douleur aiguë. J'ai l'impression que mon corps brûle de l'intérieur. C'est insoutenable. Malgré tous les médicaments qu'ils me donnent, la douleur est encore très forte. »