La réforme de la procédure pénale annoncée par le président de la République n'est pas encore connue dans ses détails. On sait seulement que le juge d'instruction, qui dirige l'enquête préalable au procès, deviendrait un juge de l'instruction chargé d'arbitrer un débat contradictoire, le parquet conduisant la totalité des investigations et les droits et moyens de la défense étant renforcés.
La France est l'un des derniers pays au monde à avoir conservé un juge d'instruction. En Europe, l'Allemagne et l'Italie y ont renoncé. En Grande-Bretagne, cette fonction n'a jamais existé. Avec notre système judiciaire de type inquisitoire remontant à Napoléon, le juge d'instruction doit rechercher la vérité en menant son enquête à charge et à décharge. Mais dans les faits, il se range souvent du côté des enquêteurs pour tenter de confondre les suspects. Le juge d'instruction se trouve confronté à l'absurdité d'une procédure pénale qui fait de lui un magistrat schizophrène devant être à la fois un investigateur et un arbitre. Cette contradiction intellectuelle fait que c'est une mission humainement impossible à gérer.
Les déconvenues de ce système inquisitoire font régulièrement la une des médias. L'affaire d'Outreau en est l'exemple le plus frappant, mais ce n'est que l'arbre qui cache la forêt. Pour une affaire médiatisée, combien de dossiers "arrangés" pour cadrer avec l'intime conviction du juge d'instruction, combien de mis en examen qui ne peuvent pas se défendre ? Selon certains magistrats, des "Outreau", il s'en produirait au mois un par semaine.
Le projet de réforme consisterait donc à remplacer notre système judiciaire de type inquisitoire par une procédure accusatoire, transparente, publique et orale, s'inspirant du modèle anglo-saxon et reposant sur un face-à-face entre l'accusation et la défense. Cette réforme aurait le mérite de clarifier les rôles et de mettre en place une véritable séparation des pouvoirs (exécutif et judiciaire) telle que décrite par Montesquieu. Elle pourrait également ouvrir de nouvelles perspectives aux détectives privés en permettant le développement des contre-enquêtes pénales. Dans ce cas-là se poserait bien sûr le problème de leur financement. L'adoption de cette réforme devrait donc impérativement s'accompagner de mesures de prise en charge par l'état des frais de contre-enquêtes et contre-expertises diligentées par la défense dans le cadre d'un système comparable à l'aide juridictionnelle actuelle. Mais rappelons qu'actuellement, face à des instructions orientées ou bâclées, les mis en cause, mais également les parties civiles, n'ont parfois pas d'autre solution que de payer de leurs deniers le recours à des enquêtes privées (affaires Omar Raddad, Dany Leprince, Pascal Taïs...).
Lire également l'excellent article de Philippe Bilger "Il faut achever le juge d'instruction" sur son