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Lettre à un pauvre

Publié le 28 janvier 2009 par Kaodenuit
Mon très cher pauvre,
Je t'ai vu marcher dans la rue et en croisant ton regard, je t'ai reconnu. Aucun autre regard ne ressemble au tien. C'est le regard de ces quelques uns qui pareils à des tours mal construites, voient s'effondrer autour d'eux les derniers étais qui la soutenaient.
J'ai vu aussi comment ton âme peut se tordre dans le désarroi de la solitude car les pauvres vivent dans la solitude, c'est même ce qui caractérise leur pauvreté.
Tu as connu l'amour absolu, cet amour tellement fort qu'en prétextant un RDV avec la vie, il a détourné les yeux de ton sort, oublié ses propres mots et en te tournant le dos, s'en est allé remplir sa mauvaise conscience des excuses de la raison.
Tu manques de tout, cher pauvre, et ceux qui pourraient te donner le fil ténu qui te relie à la vie, s'en indiffèrent en inventant un ailleurs propice, une envie d'autre chose. Si tu étais riche, cher pauvre, tu serais entouré et ton amour enfui serait resté là, à vanter ton existence de repus, à manger sur ton dos les miettes de son hypocrisie.
Alors tu es seul, les portes se ferment, et dans ta nuit de cauchemar aucune voix ne vient apaiser les peurs ancrées au fond de ton ventre vide, et l'oppression du monde replie ses ailes noires sur ta désespérance.
Des fois, cher pauvre, il arrive que tu meures, et ton cortège funèbre n'est suivi par personne, chacun se dénouant de la responsabilité de ces mots : les pauvres meurent par manque de parole.
Je t'ai croisé, cher pauvre, tes yeux perdus cherchaient encore la voix mélodieuse de l'autre. Mais la voix est morte, elle a ravalé ses promesses ; les promesses n'engagent que ceux qui y croient.


Adieu cher pauvre, tu verras, la solitude est beaucoup moins dure dans le néant de l'oubli.


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