A quelques
jours du début du Tournoi des six Nations, et après une campagne
Européenne particulièrement décevante pour nos couleurs, il est
tentant de jouer les Cassandre (un peu comme le fit récemment
Jean-Pierre Elissalde dans une émission télévisée) et de prédire
une catastrophe face aux Gallois ou aux Anglais. Au-delà de ce qui
pourrait se passer pendant le Tournoi, la question se pose du
niveau de notre rugby.
L’examen du classement IRB, actualisé chaque semaine, nous
donne une première réponse. Selon le « World Ranking » de la
fédération internationale, la France occupe une peu glorieuse
7ème place dans la hiérarchie de l’ovalie Mondiale. Peu
glorieuse au regard du nombre de ses licenciés (262 000, soit à peu
près autant que la Nouvelle-Zélande, l’Irlande et
l’Ecosse réunies), de son histoire et de sa puissance
financière. Car le rugby tricolore figure aujourd’hui, avec
l’Angleterre comme l’un des principaux acteurs
économique de l’ovalie mondiale.
Si l’on juge, donc, le niveau du rugby Français à
l’aune de son rang de classement « officiel », il n’y a
pas vraiment de doute à avoir sur la question. Le niveau baisse. En
janvier 2004, la France pointait à la 4ème place du classement.
Aujourd’hui, nous retrouvons devant nous, en plus des
habituels poids lourds de l’Hémisphère sud, nos amis Anglais
et Gallois, ainsi que nos meilleurs ennemis Argentins.
Pas de quoi hurler à l’injustice. Les derniers résultats
enregistrés face à ces équipes plaident contre nous.
Pour autant, il convient de nuancer le propos. En premier lieu, il
faut avoir en tête que le classement IRB est fondé sur les
rencontres entre nations, indépendamment des clubs. Ensuite, le
système d’attribution de points bonifie les résultats obtenus
lors des Coupes du Monde et intègre parmi les paramètres
d’évaluation le fait de jouer à l’extérieur ou à
domicile.
On peut donc analyser le niveau de la France au regard des
résultats des deux dernières coupes du monde et du Tournoi depuis
2003.
Coupe du Monde
CDM 2003 : 4ème
CDM 2007 : 4ème
Tournoi des six Nations
2003 : 3ème
2004 : 1er (GC)
2005 : 2ème
2006 : 1er
2007 : 1er
2008 : 3ème
Sur la période 2003-2008, on peut estimer que la France a stagné au
plan mondial, ce qui est confirmé par les résultats qu’elle a
obtenu à l’occasion des tournées d’été et
d’automne 2008, au cours desquelles elle n’est pas
parvenu à battre les nations de l’hémisphère sud (à
l’exception, notable il est vrai, de l’Argentine). En
revanche, la France s'est maintenue au plus haut niveau européen
sur l’ensemble de la période. Reste que depuis le tournoi
2007, les résultats sont globalement moins satisfaisants. La Coupe
du Monde est passée par là, avec la fin d’un cycle et le
début d’une nouvelle équipe à la tête du XV de France, ce qui
n’était pas le cas en 2004.
Pas de quoi s’affoler donc.
Si l’on complète l’analyse avec les résultats des clubs
Français en Hcup, le constat initial de la baisse de niveau paraît
contesté par l’examen des faits :
Heineken Cup, résultat du meilleur club Français par
année
2003 : 1er
2004 :finaliste
2005 :1er
2006 :finaliste
2007 :quart de finale
2008 : finaliste
Les statistiques de la H Cup sont a priori favorables et plutôt
positives. Reste que sans le Stade Toulousain, elles prennent une
tournure beaucoup moins séduisantes.
Cela nous ramène au constat effectué à l’occasion de la
dernière journée de Coupe d’Europe. On peut faire comme
Jacques Brunel, l’entraîneur de Perpignan, et considérer que
l’arbitrage a eu une influence négative sur les résultats des
clubs.
On peut aussi constater, comme le fit Renvoi aux 22 dans un article
précédent, que le jeu affiché par les clubs français dénotent une
frilosité, un manque d’ambition et, surtout,
d’efficacité qui tranchent avec les prestations offertes par
les Gallois et certains clubs Anglais. Même l’Irlande propose
davantage avec le Munster que la France avec sept clubs (excusez du
peu !).
Alors, où se situe le véritable niveau du rugby hexagonal ?
Pas de
réponse tranchée, pas de propos à l'emporte-pièce, seulement un
sentiment. Celui d'une insuffisance, d'un manque. Un gap, diraient
nos amis Britanniques, entre le potentiel de notre rugby et sa
concrétisation sur le pré. En d'autres termes, on peut légitimement
espérer de nos équipes qu'elles gagnent en régularité et qu'elles
haussent leur niveau de jeu.
La détection des jeunes, la qualité de la formation, l'intelligence du recrutement, l'aménagement du calendrier sont, à nos yeux, les quatre principaux axes à privilégier pour espérer maintenir le rygby tricolore au plus haut niveau et lui faire gravir les échelons qui le séparent encore d'un titre mondial et de performances durables face aux nations du sud.