Une fenêtre d’opportunité s’ouvre à Nicolas Sarkozy pour prendre l’une des décisions les plus importantes de son quinquennat : la suppression des départements.
L’organisation des pouvoirs publics dans les collectivités locales est d’une véritable complexité. Une réforme, une simplification, une clarification s’avèrent une nécessité.
Un serpent de mer ou une Arlésienne
Et ce n’est pas nouveau : depuis plusieurs décennies, on parle de la suppression des départements, et l’UDF fut l’un des premiers mouvements, à la fin des années 1980, à envisager théoriquement la suppression des conseils généraux tout en la refusant politiquement, car à l’époque, elle était à la tête de près de la moitié de ces collectivités.
Union Européenne, État, région, département, intercommunalité, commune… autant de strates administratives qui rendent le fonctionnement des collectivités locales très opaque non seulement auprès des Français mais aussi auprès de leurs élus locaux.
Pourtant, le département, la collectivité la plus ancienne (doublement centenaire), est sans doute celle qui est la plus efficace pour les missions sociales par exemple. Depuis la décentralisation organisée par les lois Defferre de 1982, les présidents des conseils régionaux et généraux sont devenus de réels chefs d’entreprise avec, à leur tête, un budget parfois de plusieurs milliards d’euros.
Des communes trop nombreuses qui pourraient se rassembler en communautés urbaines plus étendues et reprenant les attributions du département, et des régions moins nombreuses et plus vastes sont les idées généralement admises depuis fort longtemps mais rarement mises en œuvre car elles impliqueraient une révolution majeure de la classe politique.
La tentative avortée de Jacques Attali
Lorsqu’il avait remis son rapport sur la croissance au Président de la République, Jacques Attali avait proposé cette suppression pour moderniser l’État mais Nicolas Sarkozy, connaissant bien les élus locaux, l’avait exclue.
Mais depuis quelques mois, quelques proches du Président de la République reviennent à la charge avec cette proposition qui, aujourd’hui, ne semblerait plus aussi scandaleuse que cela pourrait être.
Nicolas Sarkozy a aujourd’hui une petite fenêtre de faisabilité s’il prépare cette réforme avant l’été 2009. Après, ce sera trop tard à cause des élections régionales de mars 2010 et avec l’enclenchement d’une nouvelle période gouvernementale qui préparera les élections présidentielle et législatives de 2012.
Il l’a donc lancée cette nouvelle tentative au tout début de la crise financière dans son discours à Toulon le 25 septembre 2008 : « Et je l’annonce, le grand chantier de la réforme de nos administrations locales sera ouvert dès le mois de janvier prochain. Le moment est venu de poser la question du nombre des échelons de collectivités locales dont l’enchevêtrement des compétences est une source d’inefficacité et de dépenses supplémentaires. »
Une nouvelle tentative
Le 22 octobre 2008, le Président de la République Nicolas Sarkozy a installé un second Comité Balladur (le premier concernait la réforme des institutions) pour réfléchir sur la réforme des collectivités locales.
L’ancien Premier Ministre Édouard Balladur, à 78 ans, préside donc ce nouveau comité composé de onze titulaires dont le politologue Jean-Claude Casanova, l’historien Jacques Julliard, l’ancien Ministre de l’Industrie Gérard Longuet (ancien président du Conseil régional de Lorraine), l’ancien Premier Ministre socialiste Pierre Mauroy, l’ancien Ministre de la Justice Dominique Perben et le député socialiste de l’Isère André Vallini (ancien président de la commission Outreau).
Dans ses axes de réflexion, le Comité Balladur II a repris les interrogations émises par Nicolas Sarkozy lui-même lors du dernier Congrès des maires et présidents de communautés de France le 27 novembre 2008 à Paris et qui se résume assez simplement : « J’en appelle à votre sens de la responsabilité : peut-on continuer ? Communes, communautés de communes, pays, départements, régions, État, Europe. Qui peut me dire que la France continuer dans ces conditions-là ? Ce n’est pas pensable. Plus personne n’y comprend rien, plus personne ne s’y retrouve. ».
Dans son discours d’installation du Comité Balladur II, Nicolas Sarkozy avait déjà insisté sur le diagnostic partagé par tous : « Tous nous savons que nos collectivités sont trop nombreuses et trop petites, que le succès réel de l’intercommunalité n’a pas mis fin au nombre particulièrement élevé de communes. Tous nous regrettons la confusion des compétences, les gaspillages et les dysfonctionnement qui en résultent. »
Quand on connaît Édouard Balladur, on peut imaginer l’esprit de professionnalisme minutieux qui préside aux travaux de sa nouvelle commission.
Sans perdre de temps, en un mois de fonctionnement (depuis mi-décembre 2008), de nombreux intervenants ont déjà été auditionnés, notamment le Président du Sénat Gérard Larcher, le Président de l’Assemblée Nationale Bernard Accoyer, le président du MoDem François Bayrou, le président de la Cour des comptes Philippe Séguin, le président du Conseil régional d’Île-de-France Jean-Paul Huchon, le président de la commission des lois du Sénat Jean-Jacques Hyest, les président et rapporteur général de la commission des finances du Sénat Jean Arthuis et Philippe Marini, le sénateur (et ancien ministre) Alain Lambert, l’ancien Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin, les ministres Hervé Morin, Christian Blanc et Hubert Falco, les président et rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée Nationale Didier Migaud (député de Grenoble) et Gilles Carrez, le député-maire de Grenoble Michel Destot, le maire de Nancy (et ancien ministre) André Rossinot, le maire de Paris Bertrand Delanoë…
Le Comité Balladur II devra remettre sa copie au printemps de cette année.
Trop de choses et trop rapidement ?
L’objectif politique de Nicolas Sarkozy serait donc de finaliser cette réforme de grande envergure avant l’été 2009 afin de l’appliquer dès les élections régionales de mars 2010. Certains voudraient cependant repousser d’une année ces élections (mars 2011) pour ne pas faire une réforme précipitée.
Le problème pour une telle méthode, c’est que, comme souvent avec Nicolas Sarkozy, la réforme a l’ambition de vouloir résoudre trop de problèmes en même temps.
J’en vois au moins quatre qui auraient mérité d’être traités séparément :
1. La redistribution des compétences entre les régions, les départements et les agglomérations. Et l’éventuelle suppression des départements.
2. Le rassemblement de certaines régions (fusion encouragée ou forcée) lorsque la situation économique ou culturelle le rendrait pertinent (comme : les deux Normandie, une partie des Pays de la Loire avec la Bretagne, la Picardie avec le Nord-Pas-de-Calais etc.).
3. Le rassemblement (encouragé ou forcé) des communes dans des agglomérations au statut à définir (déjà existant ou nouveau) ou (politiquement plus difficilement), la fusion des communes en grande communes avec éventuellement, la généralisation du concept d’arrondissement (comme pour Paris, Lyon et Marseille).
4. Enfin, élément clef de la démocratie locale, l’élection au scrutin universel direct des exécutifs des structures intercommunales qui gèrent des budgets nettement supérieurs aux budgets municipaux. Et leur prise en compte dans les limites de cumul des mandats et des indemnités.
Vent de réforme…
Au moins, on ne pourra pas reprocher à Nicolas Sarkozy son volontarisme qui, pour certains sujets très délicats, permet enfin de faire bouger les choses.
Il serait cependant souhaitable que la future réforme des collectivités locales, qui touchera au tissu local de proximité et qui concernera au premier plan les citoyens, fasse l’objet d’un référendum. Qui pourrait être organisé en automne 2009.
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Sylvain Rakotoarison (28 janvier 2009)