Trente ans ?
A peine ?
Vous ne vous croyez pas un peu trop vieux pour ces conneries ?
Foutre le feu à une bagnole, sérieusement ?..
Et de vous redresser, difficilement, alors que s’allume dans vos yeux rougis par les excès de la veille - ainsi que, sans-doute, par un peu de gaz lacrymogène - cette lueur hautaine de celui qui n’a pas abdiqué, de celui qui a su, lui, contre le triste conformisme des adultes conserver sa révolte adolescente. Cette saine colère qui vous faisait balancer, les soirs de réveillons anticapitalistes, des bouteilles de Valstar – vides, cela va de soi ; c’est secondaire – sur le Palais de la Bourse.
Oui je me moque. Avouez que soutenir que si toutes les Clio et Mégane du monde se réunissaient dans un grand feu de joie, des cendres de pneus et de tôles cramées émergerait alors la société sans classe et l’absolu bonheur pour les siècles des siècles c’est un poil difficile à justifier.
D’accord, d’accord, je profite de la situation. Je veux bien reconnaitre qu’avec ce que vous vous êtes mis hier, il n’est pas très évident de développer votre prêt à penser, pardon, votre belle dialectique révolutionnaire.
Mais, vous pouvez vous épargner ces efforts pour vous tricoter à grand peine une légitimité dans laquelle se draper. L’époque vous extrait désormais du petit vandalisme aviné où n’importe qui d’un peu sensé vous aurait laissé.
Rattaché à l’un des grands périls du temps, direction le parquet antiterroriste.
Vous pouvez savourer mais je ne suis pas persuadé que vous y gagniez au change.
Il y a quatre ans de cela, Jacques Chirac, alors notre président, eu un petit coup de génie tactique en déclarant que l’approbation du TCE passerait par un référendum. C’est qu’il devait sentir, le bougre, que l’Europe serait une belle occasion de diviser une gauche déjà vive de tensions depuis 2002.
Ces divergences que l’on minimisait tant bien que mal prirent alors une ampleur telle que la question de l’appartenance au même camp devint réellement problématique.
Je fus moi-même très marqué par ce qui se joua alors et ai depuis développé une allergie assez féroce à la rhétorique de la « vraie gauche », ce quasi chantage vous présentant un Госплан plus ou moins bien grimé comme seul salut possible quand tous les autres chemins mèneraient au mur vers lequel on va droit.
Oh, je sais ceux qui jouent le jeu des élections ne sont pour vous que de vils réformistes ou, au mieux, de grands naïfs qui n’ont pas encore compris que l’émancipation des masses ne se pouvait bien continuer que par d’autres moyens que les urnes.
Rassurez-vous, je ne vous confonds pas, et ce malgré la tendre indulgence avec laquelle les extrêmes considèrent souvent les petite voyouteries des ultras.
Mais vous voyez bien que l’amalgame est dans l’air.
Alors que fonctionne à plein régime l’assez grossière homothétie visant à faire de la gauche de la gauche l’équivalent de ce que fut le FN pour la droite parlementaire il y a quelques années, votre hooligano-léninisme a eu droit, dans le même temps, à une sacrée promotion.
Et cette récente extension du domaine de la lutte contre le terrorisme m’emmerde.
C’est que, voyez vous, contrairement à vous, je n’assimile pas l’état d’exception à la démocratie et quand l’Etat, surfant sur notre besoin de protection impossible à rassasier, s’affranchit du droit commun et donne par là même des cartouches à aux insurgés permanents et bien ça me chagrine.
Mais peut-être que je m’effarouche d’un rien.
Après tout, on n’a pas passé tant de séances à fabriquer de nouvelles lois pour ne pas s’amuser un peu avec, non ? Et puis, les belles et grandes qualités de stratège de notre président - car lui aussi peut y prétendre nom de nom - vont bien nourrir quelques bons éditos de tous les Barbier et Domenach de l’hexagone.
Le reste…