My Space, Crazy God

Publié le 27 janvier 2009 par Marc Lenot

J’avais salué en son temps la naissance de ce musée, le Palais des Arts de Naples (PAN), rien que ça. Ayant enfin l’occasion de le visiter, j’ai été assez déçu par une des deux expositions “My Space : Que veut dire ‘Public’ ?” (jusqu’au 20 avril) : discours assez confus sur l’espace public, tentant de faire cohabiter des pièces trop disparates, les unes sur l’espace muséal, d’autres sur le rapport au public, avec la malheureuse Kate Gilmore bombardée de tomates par ses auditeurs, d’autres enfin plus conceptuelles interrogeant les rapports entre l’artiste et l’espace, comme trois vidéos mal présentées de Vito Acconci. Je n’en ai retenu que deux installations, d’abord cette ‘robe’ de Sabrina Mezzaqui, Les Justes, sur laquelle est brodé le poème de Borges.

Un homme qui cultive son jardin, comme le voulait Voltaire.
Celui qui est heureux que sur terre il y ait de
la musique.
Celui qui découvre avec plaisir une étymologie.

Deux employés qui dans un café jouent silencieusement aux échecs.
Le potier qui prémédite une couleur et une forme.
Le typographe qui compose bien cette page, qui peut-être ne lui plaît pas.
Un homme et une femme qui lisent les tercets finaux d’un certain chant.
Celui qui caresse un animal endormi.
Celui qui justifie ou veut justifier un mal qu’on lui a fait.
Celui qui est heureux que sur terre il y ait Stevenson.
Celui qui préfère que les autres aient raison.
Ces personnes, qui s’ignorent, ce sont elles qui sauvent le monde.

L’installation de Kaarina Kaikkonen, The arch that we were, occupe tout le hall d’entrée : ce sont des chemises d’homme mises bout à bout sur des fils suspendus. On peut oublier le discours sur l’occupation de l’espace et se contenter de regarder les jeux d’ombres fantômes sur le mur. C’est très beau.

Il y a aussi dans les étages de ce musée, dont plusieurs sales sont désespérément vides, une belle exposition photographique d’ Yvonne de Rosa, Crazy God (jusqu’au 12 février) sur un hôpital psychiatrique désaffecté, abandonné. On y voit les traces des malades, des photos et des lettres éparses retrouvées, on y voit des murs décrépits et des meubles en morceaux, et surtout on y sent flotter des esprits. C’est une série sur l’absence, absence aujourd’hui de ces malades d’autrefois, absence autrefois de ces malades dans le monde. Histoires de folie, témoignages muets, réminiscences du passé, tout compose à faire de cette centaine de photographies un monument digne et poignant. L’affichette au sol au milieu de ces ruines concerne le Professeur Moscati, médecin des pauvres, canonisé, révéré dans tout Naples et à qui une chapelle est consacrée dans l’église des Jésuites.

Kaarina Kaikkonen étant représentée par l’ADAGP, la photo de son installation sera retirée du blog à la fin de l’exposition.