Comme vous le constatez avec votre air réprobateur de lecteurs qui commencent à se dire que cela frise l'obsession, je persiste avec obstination dans mes histoires surnaturelles britanniques : voici une série que j'attendais avec une certaine appréhension. J'avais apprécié le "pilote 1.0" diffusé l'an passé et étais donc curieuse de découvrir la version 2.0, qui allait servir de base à la saison que BBC3 a eu la bonne idée de commander.
Diffusée sur : BBC3 (Grande-Bretagne)
Depuis le : 25 janvier 2009
Ca parle de quoi ?
C'est une dramédie fantastique de la BBC qui suit trois créatures fantastiques : un vampire, un loup-garou et un fantôme, vivant sous le même toit, qui aspirent à une vie normale, "humaine", mais qui sont chaque jour confrontés à leur condition particulière, à ses limites comme à ses exigences.
Et alors ce pilote ?
A l'origine Being Human figurait parmi les pilotes diffusés au printemps dernier par BBC3, parmi lesquelles la chaîne devait choisir de nouvelles séries. C'est en partie grâce à l'enthousiasme de fans de la première heure (c'est le cas de le dire, après le simple visionnage d'un pilote !) que Being Human fut finalement retenue par la chaîne qui commanda une saison de cette série. Durant la période d'incertitude, deux des trois acteurs principaux avaient pris d'autres engagements, si bien qu'il fallut re-caster et revoir un peu le pilote original ; nous offrant un deuxième pilote fidèle à l'esprit du premier, tout en ayant ses différences et ses éléments qui lui sont propres.
En effet, nous nous retrouvons devant un nouveau pilote qui, tout en reprenant les ingrédients fondamentaux de la première version, n'est pas une copie du premier. L'épisode apparaît plus abouti sur certains points. Comme la comparaison s'impose au téléspectateur, ce dernier se surprend à noter les changements de perspective pour évoquer une intrigue, les idées qui ont été revisitées ou bouleversées durant ces quelques mois. Signe illustrant bien que ce pilote 2.0 est un semi-pilote, on constate la disparition de toute une partie introductive - la première rencontre entre Annie, le fantôme, et ses deux nouveaux locataires pas si normaux que cela. Cela génère un intérêt assez particulier pour le téléspectateur qui découvre cette nouvelle approche, laissant entrevoir l'évolution de la réflexion des TPTB sur leur conception de la série. Indication également que les scénaristes ont construit un deuxième pilote en utilisant le premier comme base acquise pour une partie des téléspectateurs du moins, certains éléments sont d'ailleurs à peine re-expliqué et paraissent normaux (Annie et son rapport avec le monde extérieur notamment est un aspect un peu survolé par rapport à la première version beaucoup plus explicative).
En un sens, ce pilote 2.0 est presque complémentaire, par certains aspects, au pilote 1.0. Ce qui a une certaine logique, étant donné que le premier pilote n'était pas un de ces pre-air non définitif qui fleurissent dans les champs interdits américains quelques mois avant la rentrée tv ; mais bel et bien un épisode diffusé sur BBC3. Après, le débat est sans doute ouvert quant aux techniques britanniques d'introduction de leurs séries...
Ma principale crainte en m'installant devant ma télévision provenait des changements d'acteurs qui avaient eu lieu. En effet, seul George, le loup-garou, est fidèle au poste. Mais finalement ce virage est plutôt bien négocié. J'adhère au choix du nouvel acteur pour incarner Mitchell, le vampire. Certes moins original que son prédécesseur, il joue sur une apparence de regular guy qui alterne frivolement le playboy et le gendre idéal au sourire désarmant, mais qui se change en prédateur sanguinaire en quelques secondes dès que sa vraie nature reprend le dessus. Du côté du fantôme, la nostalgique de Sugar Rush qui est en moi a retrouvé avec plaisir Lenora Crichlow. On se situe certes à des lieues de la façon de jouer de l'inimitable Andrea Riseborough (The Devil's Whore, Party Animals) qui tenait le rôle dans le pilote original. Lenora Crichlow, plus sobre et moins "stellaire", mise sur un registre plus humain qui est assez différent. Je la trouverai presque excessivement normale au vu de la première version d'Annie. Mais il apparaît que la série semble vraiment se concentrer sur cette volonté de chacun des personnages de tendre vers la normalité ; si bien que même au niveau des acteurs, ce sont des personnes qui devraient se fondre dans la masse. Par instant, le téléspectateur oublierait presque aisément leur particularité ; jusqu'à ce que, brusquement, elle se rappelle à leurs bons souvenirs quand un des trois abandonne ce masque humain pour embrasser un instant sa vraie nature. Si bien qu'au final, ces changements d'acteurs sont dans l'ensemble réussis et contribuent à bien définir le ton et l'atmosphère de la série.
Sur le fond, les enjeux demeurent les mêmes. Trois jeunes gens, en apparence humains mais qui n'en sont pas, et qui ne rêvent que d'une vie normale. Au-delà de ce concept fantastique de départ, Being Human apparaît comme une série centrée sur les relations entre les personnages. Cette amitié qui permet de franchir les barrières et renverser les obstacles. L'épisode est surtout l'occasion d'explorer la dualité de Mitchell. Le monde des vampires est esquissé, avec sa hiérarchie, ses codes ; vampires présentés comme terriblement normaux par certains côtés, infiltrés dans les institutions - d'une sobriété qui tranche avec les essais de prothèse dentaire d'outre-atlantique ou sur ITV - mais qui bouillonnent d'une rage de prédateur à peine contenue. Des pulsions meurtrières que Mitchell ne maîtrise pas toujours. Alors qu'il voudrait renier sa nature et qu'il se laisse aller en état de manque de sang, le dérapage irréparable n'est jamais loin. L'épisode trouve d'ailleurs son dénouement dans un de ces drames passés, aux conséquences tragiques sur le présent des héros, ou plutôt sur les innocentes personnes qui peuvent les fréquenter. Mais de manière générale, l'impact peut être à terme plus important. Les vampires de Being Human aspirent à une reconnaissance ; ils caressent l'idée de révéler leur existence au public et de convertir ou du moins mettre à leurs pieds le monde. Une remise en question du profil-bas traditionnellement respecté à laquelle Mitchell ne goûte guère.
Tandis que ce dernier a été changé en vampire durant la Première Guerre Mondiale, c'est de façon beaucoup plus anodine que George est devenu un loup-garou. Une balade dans les bois durant des vacances en Ecosse, une attaque sanglante, une mort qui se refuse à lui et une griffure qui changea sa vie. George apparaît par certains côtés plus innocent, ou plus naïf, mais cet aspect relativement trompeur est avant généré par une certaine maladresse chronique qui fait de George la principale dynamique humouristique de l'épisode.
Le dernier membre du trio est un fantôme. Une jeune femme morte récemment de façon un peu étrange. Son ex-fiancé parle d'un accident dans les escaliers ; une affirmation qui n'explique sans doute pas qu'elle soit ainsi devenue fantôme. C'est peut-être un mystère qui pourra être exploité ultérieurement. Paradoxalement, Annie est celle qui pétille de vie, avec un côté un peu enfantin qui masque mal ses incertitudes parfaitement légitimes dues à sa condition. Nous verrons quelles storylines pourront être exploitées à son sujet (autres que son ex-fiancé), mais pour le moment, elle offre déjà un pendant intéressant au duo qui habite chez elle.
Le charme de ce pilote sans prétention réside dans ces personnages auxquels on s'attache aisément. Chacun des protagonistes aspirent à une normalité qu'ils ne peuvent qu'effleurer ou prétendre jouer comme dans une pièce de théâtre. Finalement c'est ce but commun qui les unit et scelle les liens entre eux, leur permettant de repousser certaines aspirations plus communautaires, comme l'indiquent les prétentions des vampires dans cet épisode.
Le ton de la série oscille entre humour noir (la scène de George courant dans les bois avant sa transformation en loup-garou - qui aurait cru que les bois anglais étaient si fréquentés, passé minuit ?) et drame (la douce et innocente infirmière blonde se vidant de son sang dans cette allée sombre), alternant ou mêlant les deux, d'une façon assez britannique si j'ose dire. Mais le ton d'ensemble, tout en jouant sur l'empathie, reste assez innocent, touchant parfois, mais globalement léger ; absolument pas corrosif -comme savent le faire les anglais.
Bilan : Au final, nous nous retrouvons avec trois personnages principaux attachants. Pas d'effets spéciaux excessifs, de fantastique sur-exploité, nous sommes dans une ambiance sobre et simple dans laquelle le téléspectateur se sent instantanément à l'aise. La série n'aspire qu'à nous divertir et assume pleinement son rôle de détente sans prétention aucune. Being Human apparaît paradoxalement une chronique terriblement humaine sur des êtres non-humains, leurs relations et leurs rapports à leur vraie nature.
S'il laisse toutes les portes ouvertes pour les futures intrigues, ce pilote remplit pleinement sa mission en nous immergeant dans l'univers propre à la série (en dépit du sentiment qu'il s'agit d'une semi-introduction, le visionnage du premier pilote pouvant être à ce titre utile).
Bref, j'ai passé une heure sympathique et compte poursuivre la découverte dans les prochaines semaines.
Pour un aperçu de la série, visionnez la bande-annonce :
Lectures complémentaires - A lire dans la blogosphère :
- La review de Carole sur Critictoo.